Fatbardha Sulaj

 

 

 

Le cri de  la nuit


Il fait nuit, une fin de nuit .Je regarde ton corps ensommeillé qui rêve silencieusement, rayonnant de la lumière de la route.
Je me lève tristement, vais devant la fenêtre et regarde la montagne. Il fait encore nuit, je touche mes  épaules  avec  mes  mains, je sens  le froid à moins que je ne tressaille à celui qui viendra demain et que je n'ignore pas. Le cri d'un oiseau de nuit, pareil à un cri de bébé, m'effraie. Mon cœur s'arrête de battre quelques  secondes puis  repart  plus fort.
Tu es si près, et en même temps, si loin de moi. Continuellement, je regarde ton corps, puis la montagne qui  griffe le ciel, qui parle avec moi, qui désire me serrer, qui me fait comprendre que je ne suis pas la seule éveillée. La petite ville dort, dort encore, je sens sa respiration, sa respiration de nuit. La rougeur divine de l'aube arrive doucement et le règne du jour s'élève. J'ai eu froid en fixant le regard, là-bas, sur le versant de la montagne.
Moi, je désire encore et tellement rester dans la nuit, en regardant dans une solitude absolue, des fois ton corps, des fois la montagne.
L'oiseau a crié de nouveau plus fort, j'ai senti des frémissements dans tout mon corps. Le jour arrive et le soleil m'embrasse...





LA FOLIE


Angèle ... c’est les derniers mots qu’il a prononcés. Dans sa bouche, des sons s’étaient rassemblés justement pour crier ce mot : Angèle...
Devant lui, le bruit de talons scandait son appel, mais il insistait encore et encore. Il continuait à l’appeler: Angèle !
En fait, elle ressemblait comme deux gouttes d’eau à une autre Angèle, son Angèle. Même silhouette, les mêmes jambes, la même sensualité, la même jupe qui l'envahissait de désir, c'était la même démarche, le même parapluie rouge.
Tout lui ressemblait. Son instinct lui disait que c'était elle.
Alors, il a crié encore fois, plus fort : Angèle !
Elle s’arrêta. Leurs regards se croisaient sous le rouge de son parapluie. Il a jeté un regard divin en la regardant de bas en haut. Elle ressemblait à son Angèle.
Elle s’arrêta, le regarda tout droit dans les yeux, puis sourit doucement pour lui faire comprendre qu'elle n'était pas son Angèle.
Son image se figea dans l'instant.
Peut-être je suis fou – se dit l’homme – est-ce que c’est bien elle?
La fille continua à marcher sur le boulevard, laissant derrière le reflet d’une lumière rouge et azur.
Et lui n’a pas bougé. Il reste sur place, continuant à l'appeler :
Angèèèèèle !

 

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