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Fantaisies désenchantées

 

La peinture de Boris Eloi Dutilleul est riche d'empreints à la Renaissance flamande, de la présence d'objets tels que la sphère armillaire à un réalisme minutieux soucieux des détails et du rendu des matières. Lesquels s'y voient confrontés chez ce peintre atypique à un imaginaire qui s'y fait tour à tour onirique et cauchemardesque. En cela, il y a chez cet artiste un peu de René Magritte qui aurait trouvé les secrets du voyage dans le temps pour retourner dans l'atelier de Van Eyck et de Bruegel. Un déjeuner de presse y prend ainsi des airs de cène biblique et un casque d'aviateur devient un bonnet flamand à bords relevés dans A bouche que veux-tu ? 
Fort de cet ancrage dans la tradition picturale qui le fait se peindre dans un de ses nombreux autoportraits dans la même pose que Gustave Courbet en 1843, il nous livre un regard sarcastique sur une humanité qui y apparaît sans queue ni tête. Car sous la fantaisie apparente des jeux de mots (Carpe Diem) et des situations (Vision extra lucide), les hommes et les femmes qui peuplent ses compositions trahissent une gravité et une tension intérieure qui interroge. La mélancolie des peintures monochromes a ainsi cédé la place à une folie douce dans ses œuvres récentes, comme pour mieux témoigner d'une inquiétude existentielle.
En cela, l'oeuvre de Boris Eloi Dutilleul s'apparente à un enchantement désenchanté qui prend les atours d'une histoire de l'art séculaire pour mieux montrer la dégradation d'une civilisation qui autrefois louait la magnificence désormais perdue de l'Homme. Sous le glacis de la peinture et le soin apporté à la touche, derrière l'humour féroce et le goût pour les scènes improbables, au travers du prestige historique de l'âge d'or de la peinture flamande, il apparaît alors grimaçant et inquiet, lorsqu'il n'est pas encagé ou enchainé. Lui qui partage désormais la toile avec des animaux qui semblent rire à présent de sa superbe disparue, témoins millénaires de ses prétentions d'enfant gâté.

 

Bertrand Naivin 2023