Billet d'humeur : Jaqueline Fischer
A comme utopie
Il y a qui perdent leur triple A et en sont fort marris. Mais je voudrais ici, faire une invocation, une prière pour qu’on rende aussi le droit aux a, les petits, les minuscules , qui n’ont point droit de cité, ni d’être cité sauf au tribunal des exécutions sommaires.
Laissez nous le a des athées et des agnostiques, et cessez de croire, vous croyants, qu’une absence de religion ou de Dieu(x) implique une absence de morale et de respect des autres.
Nous ne sommes pas sans foi ni loi même si nous défendons souvent les sans feu ni lieu.
Rendez-nous le droit d’exister dans l’Histoire et les constitutions dont nous sommes rayés. On reconnaît parfois le droit d’avoir la religion qu’on choisit -mais la choisit-on tant que ça ?- trop rarement celui de ne point en avoir.
Qu’on ne conçoive plus ce choix comme une absence ou un vide, voire un handicap, un manque de grâce ou une infirmité , mais comme un espace de liberté de conscience où on peut chérir son voisin même s’il ne croit rien comme vous, même s’il ne croit pas du tout. Un choix très plein de tout et d’amour de la vie qui ne vaut d’être massacrée sur aucun autel.
Laissez-nous vivre avec ce sens obscur du sacré, qui n’exige pas qu’on se mette en foule pour se sentir communier, ni qu’on s’agenouille devant des hommes, qui prétendant servir une divinité , usent trop souvent de pouvoirs aux cultes pour asservir les autres et se servir eux-mêmes.
Donnez nous le droit de ne pas adhérer à une vérité mortelle pour qui croit en déceler une autre et nous cesserons d’êtres des athées-rés
Athée sans thé de tea parties quelconques où les vieux démons reviennent toujours s’asseoir à la même table.
Donnez nous le droit aussi du a a comme apolitique.
Non pas indifférent et encore moins je m’en foutiste, mais libre de ne pas choisir non plus de bannière autre que celle des bannis de tous horizons.
Laissez-nous ce champ libre de la liberté, celle de trouver la bonne manière à nos yeux de faire le monde un peu meilleur, jamais en violentant ceux qui croient en d’autres étoiles et ont d’autres espérances au fond des yeux. Laissez-nous nous engager sans nous endoctriner, nous inféoder.
Nous éviterons peut-être que les révoltes aboutissent trop souvent à un simple changement de maîtres.
Laissez nous le droit de croire que dominer les autres n’est jamais nécessaire et presque toujours nuisible y compris à nous-mêmes, puisque que c’est pour l’homme, la pire des addictions, qu’on la nomme gloire ou griserie.
Donnons-nous même le droit d’une anarchie joyeuse et non sanguinaire telle qu’on la décrit, à tort, toujours - cessons de croire que nous avons besoin pour agir et réfléchir de maîtres à penser voire à dépenser.
Ne soyons plus des cons sommés d’acheter le dernier cri de la technologie qui cache assourdissant le murmure des refusés des exclus et des oubliés.
Donnez nous le droit d’être apatrides, en rêvant d’un monde où s’effondreraient les frontières quand elles sont barrières frileuses et coeurs fermés à la misère du monde sans pour autant renier forcément nos racines profondes . Donnons -nous une patrie qui serait juste celle des hommes et où on saurait faire place à tous.
Donnons nous le droit d’être atypique, sans marque, étiquette, donnons-la liberté de l’abeille, de l’oiseau.
Donnons-nous le droit d’être artistes c’est à dire de vivre à côté du profit roi, de ses pompes et de ses oeuvres. Les nôtres disent tout autre chose : écoutez-les !
Jacqueline Fischer