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Lèse-Art Re-Mue

Le doigt dans l'encre-nage

Avec des textes de Tarek Essaker, Laura Bigattini, Abdel Wahab, Jacqueline Fischer, Laurent Chaineux, Paul Nwesla , Jo Hubert.

 

N °12

 

 

 

Extrait de « La glaneuse »

 

 À l’heure vide, une histoire bégaie en elle ses profonds murmures. Des choses simples venues du silence, soutenues par de fragiles respirations dans la lueur d’une pensée discrète. Un toussotement. Un halètement. Des feuilles mortes se préparent à errer. Un sourire. Une jeune fille qui passe. Un regard qui se joue des confidences. Une lumière paresseuse qui décline et la tentation de faire rougir le diable. La foule aux terrasses. De l’agitation en ville et la vie qui tente une trêve. Elle, assise, elle ne porte rien ni en elle ni sur elle. Seul, le sentiment de garder quelques souvenirs au bord de ce qui attend et qui, peut être, est déjà sclérosé. Elle pense que le rêve est encore permis. Que flâner, lui procure des moments de répit, de liberté, de se soustraire à tout. Ce sentiment de n’être dans rien, au bord du monde, au sein d’une résistance farouche à l’ordinaire, prête à bondir comme un dernier sursaut face à l’enlisement.

Elle se demandait comment rendre aux choses simples leur beauté ? Est-il possible de rendre l’humanité à sa beauté, à sa grandeur aussi généreuse et humble dans cette idée meilleure de l’humain ?

Que pouvait-elle ? Sinon se taire et voir le sable filer dans le cristal d’un regard. Dans le désespoir d’une étoile filante qui doute de sa trajectoire. Tout lui semblait nu, douteusement étrange, passablement incongru, étrangement douteux. Persévérer à bégayer les mots qu’il faut, brûler au feu glacé d’une résistance face à l’évidence fade. Accomplir la longue traversée du néant. Seules, quelques graines de sable, quelques pierres, quelques déserts, quelques horizons néfastes.

 

« J’emporte mon ciel dans le lait de mes seins. Je prends place parmi ses blessures. Je prends tout ce qui me permet de rêver dans mon regard, au fond des yeux de mes yeux. C’est pendant ce voyage que j’ai appris à boire du vin en cachette, pour dissiper ma peur à moi-même et aux autres. Je l’avais mélangé avec de l’eau.

Je vais mourir quelques années plus tard parmi youyous et colères. Un monde en moi s’éveille et un autre s’endort. Je porte en mon corps ma liberté. En mon dedans, mon secret, comme une promesse qui vient des origines abyssales. Je ne mesure pas mes pas, je marche maternelle au rythme de l’univers. Je marche insolite, choquante, bruyante, amoureuse, rêveuse. C’est ainsi que j’ai le sentiment de renouer avec la vie.

Je laisse la chair de ma chair, la lumière de mes lumières, mes odeurs, mes senteurs, ma sexualité, je laisse mes peurs, les pucelles de mes yeux, les berceuses de mon enfance. J’ai peur. Je pars vers la mort. Je laisse les mots de ma mère, orphelins de confidences. Quand j’étais enfant, mon père disait que j’étais rêveuse d’un océan de sable sans lendemain.

Je laisse mes silences au gré du vent. Je laisse la mer que je traverse et ses sillons au hasard des amours. Ni le ciel ni la terre ne s’achèvent avec l’horizon. Je laisse une blessure où le monde baigne sa chevelure parce que l’exil s’est glissé dans mes yeux. Les oiseaux sont légers et le vent s’embourbe parmi les pierres ».

 

Elle est là pour attendre un peu moins d’épaisseur de ces si grands et si petits secrets, sans prétention aucune. Elle est là pour étreindre ce qui l’a précédé dans la douleur et le désir. Elle pourrait penser que la vie est un hasard qu’on ramasse au bord d’une quelconque évidence. Elle avait le cœur triste. Elle avait la vie soudaine et brûlante dans l’éclat des vagues colportées par le vent. D’elle à elle, jour après jour, elle soude la mort à la mort. Survie sans demeure ni chemin, née, déchiquetée dans une longue marche vers le néant. Elle a besoin de se mettre en mouvement pour traquer la peur, sans relâche. Que lui importe la marche, la fuite, la respiration, le temps, l’élan, l’oubli, la raison.

Elle pense que tout est là. Elle dépose son visage auprès du ciel, ses mains au ventre pour sceller une crainte à une autre. Détentrice du sel dans la vague d’une tendresse, elle joue ses pommettes et gonfle son cri hasardeux. Rien n’est visible. L’incessante obligation de réapprendre à vivre, à inciser le temps, pierre par pierre. Elle la bouscule, la harcèle, et tandis que sa voix baptise la douleur, elle disparaît dans la houle d’un naufrage. Elle glisse dans le sourire d’une rébellion.

Tout se confie, chaotique, précis, inlassable, précis. Tout se noie, se tend, demeure une inexplicable splendeur et mouvante douleur.

 

Elle part nue. Ses cheveux admettent la confusion des choses. Elle entend, comprend. Elle habite les orages. Sa chair habite la houle des vagues. Elle porte le vertige dans ses mains ivres. Plus haut, plus loin, ses yeux habitent l’épaisseur du vent. Elle jouira sans retenue. Elle surprendra les sinistres angoisses des matins. Tout lui sera un monde nouveau. Elle délaissera les courbes humides des nuits précédentes. Elle portera sans peur l’argile de son ventre vers des marées lointaines.

Elle se souvient des grandes ruines. De l’infirmité des hommes, elle connaît les grandes peurs.

Voilà pourquoi si d’aventure elle livre la nudité de ses seins aux digues de la nuit, elle arrache les hommes à leurs ombres.

 

« Où commence mon visage dans le vent ? Où se niche mon chemin conduit à travers frontières et roulis de train, entre murs dressés et montagnes étendues qui se passent d’horizon. Cloisons, murmures, interdits, jours clos, lointain en berne, sourdes batailles, métaux dressés, l’ordre à suivre, drapeaux en dérision, l’usure du temps, hautes destinées pour les hommes.

Je me tiens nue, face au vent dans les ruines interdites à mes semblables, dans l’oblique de la colère sous la vibrante passion de vivre. Mon rêve a pour haillon le silence de la nuit des villes.

Je me tiens au fond d’une brèche sous le porche de la peur, dans mes pauvres mains l’éclat de quelque chose qui se tait. De part en part, mon voyage est une attente qui s’empare du jour dans le fracas lent de chaque lieu, de chaque pierre, de chaque sol.  Jusqu’aux racines, à l’épuisement, ma colère disperse le bruit muré d’un espoir en quête d’élan.

Je me tiens dans l’effilé. Dans l’épars. Dans le rompre. Dans l’ exister. Dans le veillé. Dans le pourchassé. Dans le ravivé. Dans le deviné. Dans la rature. Qu’est-ce que mourir et qu’est-ce que vivre ? ».

« Dans les secrets des arcs en ciel un cerf-volant, naviguant dans les murmures de mes désirs. Des femmes en train de planter des silences en haut de la colline. Les oiseaux au loin semblent s’envoler dans la barque des nomades vendeurs de vent. Sur la plage, à marée basse, les amours des mouettes pêchent les soupirs de quelques crabes retardataires. Un jeune chien aboie vers les grenouilles et revient bredouille auprès des papillons. Sur les ailes de quelques enfants criards, le ciel pose ses petits pour le repas de midi.

Toute fourbues, mes pensées vieillissent auprès du temps, leurs pétales cousus dans des cheveux blancs. Quand ma bouche grimaçante peine à épeler mes amours, les cerises de ma douleur s’égouttent dans la boue de mes faiblesses.

Dans l’eau, les difficiles noms des adieux semblent s’amarrer aux joues des hommes.

Je bourgeonne jusqu'à mon ombre, pleine de matin pour y n'être un enfant. Contre le vent, je suis invisible, tardive, éparse, ondulante. Pas d’autres bruits que la présence des papillons. »

 

« Je franchis le monde houleux, tout bruit, avec le ressac rocheux des vagues et les cris des mouettes. Avec le sable qui file, boudeur, et le murmure du vent prétentieux. Avec les montagnes fiévreuses et les pluies en averse. Avec les champs ensoleillés de maïs et les attroupements de chiens de garde.

En marche vers le tout monde, dans mes étreintes, le monde alentour. Dans mon souffle les douceurs tièdes de toute attente.

Ailleurs et partout, j’ai fait des haltes aux barbelés du temps, à mes seins, tous ceux qui ont soif et faim. Je marche vers le monde, toute froissée. Toute en colère. Je ne crois ni en dieu, ni en l’homme, ni aux prophètes, ni aux révélations. Je ne m’attarde pas, je marche toute pauvre, ne possédant rien. Déshéritée. Répudiée. Rejetée. Refoulée. Violentée. Sans nom. Sans filiation. Dans le doute. Dans la peur. Dans la marge. Dans l’écart. Je marche toute blessure confondue vers une liberté sauvage, rongeuse de mythes et de légendes.

S’il est nécessaire, je m’exilerai encore, de part en part, de cap en cap, je ne me soumettrai pas aux yeux glauques de l’humanité. J’ai de quoi séduire.

Dans la charpente houleuse de l’amour scintille sur mes lèvres la demeure de mon naufrage ».

 

Tarek Essaker

 

 

 

 

 

 

 

 

Client mystère.

 

Je dédie ce texte à celles et ceux qui du haut de leurs détours m’ont jugée naïve, me conseillant parfois d’aller travailler dans un célèbre parc d’attraction où se côtoient rêves, magie et illusions.
Je lève ma plume à leur limbidité,
Nique & Mouse.

 

Client mystère, espion des temps mortdernes, infiltrant les réseaux du capitaine schisme,  démantelant la main d’œuvre peu serviable, je t’écris une missive dénouée de missions à recevoir au plus vite. Il est urgent de te signaler que la mouche se prend sans expiation. Elle se gobe violemment et se digère en colique épique te laissant un brin sceptique.
Que tu sois mouchard au mouchoir sec mouillant la nuit dévoilée son lit ou conspirateur d’une secret story à roues huilées dont l’engrenage chapeaute les loups criant au loose,
sais-tu que tu es mis sous terre, emballé, empaqueté, ficelé sous label vert, graduellement dégradant, te parant d’un grade rétrograde décerné par ceux-là même qui te méprisent mais dont tu joues l’éprise, le dard aux mains d’argent.
A moins que l’école des fans ne soit ton dada, à défaut d’un dodo peu enchanteresque ?
Souris voyons, aujourd’hui c’est toi la star, le maître enchanteur castré aux airs soo paranos. Les milles et une lumière de notre boutique de haillons déguisée en fableuleux rayons te cueillent tous les jours jusqu’à dix huitres heures. A ce rythme, les perles se doublent en croches pointées du doigt, difficilement blanchies au four et à mesure des savons noirs dont tu nous fais l’homme meurt. Epopée décapante édulcorée à l’eau de « J’avale ° », puissant anti-sceptique délogeant la moindre cellule grise de boîtes crâniennes allumées, encombrées et poussiéreuses.
C’est donc en toutou bien et moult horreurs que je te décerne le collier de la Toise Ô d’or. Toi qui ose te dresser tel un con dehors et survoler le pays à la recherche de signes honorant ta brave hour.
Que choisiras-tu cette fois-ci ?
L’hémisphère tort ?  L’hémisphère juste ?
Tu joues si bien de la balance. A quoi bon peser tes mots lorsqu’enfarinés, ils deviennent « roulade de porc fumeux à la sauce poivrote ». C’est le menu du Chef Coq mouillant sa poule pour pondre un œuf. J’ai appris que le neuf suit le oui et sens-le dit, il n’est plus neuf ? A force de zygoter elle va finir par brouiller sa coque et couler ta toque.
Qu’adviendra-t-il de toi ?
Tu pourras toujours t’accrocher à tes origines, fines lianes, et traverser frénétiquement les galeries comme aires sales. Il se dit que les taupes à lunettes n’en sont plus à quelques vers près. Elles ramassent à la louche et a-stigmatisent. C’est Dame Mature qui les veut si mâle-voyants. A force de jeux télévidés à séries polissonnières, elle s’est mis en quette de jeûner vieillesse et de veiller jeunesse, se liftant les viscères et neurosuçant sa boule.
Elle jouit lorsque muni de ton calepin tu cotes le sourire de Madame Pipi, la tête dans les cuvettes, à frotter les crottes de chieurs trop pressés de vider leur porte monnaie à la dernière boutique tendance, Hache & Aime, réductions toute l’année à prix mimis. Et oui, le temps c’est de l’argent. A chacun son déterre gens !
Peut-être en viendras-tu à exiger rémunération lorsqu’invité chez des amis tu auras passé la soirée à juger l’accueil, la qualité du service à table, la présentation des mets et le bon déroulement du trépas.
Deux rots tout au plus, client misère !
Crois-tu t’enrichir en jouant le zhéros zhéros set des échoppes à la mode de chez nous ? C’est que chez nous on s’choppe un drôle de lent gage.
« As-tu vu la manager ? »
« Le visual merchandiser viendra-t-il ce week ? »
« Place les knit en front et mets le reste en simple rack ! »
Que crois-tu ?
On est in, dans le vend !
Et toi, t’es fortcément out… Outlet. Rabais-sé. Défectueux.

Je vais te livrer une chose bien peu énigmatique mais dont tu sembles faire totalement abstraction : « Client mystère un jour créant l’enfer toujours ».
Le mot d’ordre actuel justifiant ton existence, ta « fabrication », par celles et ceux qui couvent leur fric et becquettent jusqu’au sans est très simple :
« Les divers magasins de notre enseigne à travers le territoire se doivent d’être identiques afin de ne pas dépayser le client ».
Comprends-tu ce que cela signifie ? Saisis-tu l’ampleur du massacre ?
Ou souhaites-tu que j’éclaire ta langue terne lorsqu’il s’agit de goûter au bois qui te chauffe ?
Cela suggère, couteau sous la gorge, que même le service clientèle se doit d’être constant.  En tracé plat.
Leur sous est : Robotifier l’humain, tuer le peu de création qui gerbe en nous.
Leur vie-sée : $$$$$$$$$$.... Une lignée de serfspents bien dressés.
Pour les mous thons que nous sommes, gambadant de bancontact en banc solaire, gagnant sa banqueroute par esprit de conserve et rêvant à l’étoile du verger, rien de tout cela n’est réalité. Les entreprises ou, si cela te plaît de l’entendre, les gens te prisent, cherchent simplement à ce que le client reçoive un service de qualité à la hauteur de ses za’tente ! Pourtant, client-roi, ta galette séduit les borgnes lorgnant la couronne au pays de mirauds confits à l’abri-cot et allo, devis ?
« Oui ! Chez nous, la farce est gratuite. Pour plus de rensaignements, un seul numéro, codé toutefois : 11-1-8-103-7-1012* - Ose un oui. Sans toi(t) c’est mille doutes -
*Un lingot d’or le message envoyé ou re-suce

Dis-moi, quand décideras-tu de ronger tes filets de fiente 100 % pur Bof et de m’offrir un bouquet-misère flétri, m’obligeant à jeter ma réserve d’aspirine contre les mots de crâne plantureux ? Cela se décide sur le chant, criant missaire. Inutile d’attendre l’iPhonie pour commencer à t’y mettre.    
Entends-tu au moins ces discours reprenant à leur sauce scientifrique - thèse, antithèse et voix qu’on se taise- les arguments limant chaque jour un peu plus notre liberté ? Ces disecours soignant la méfiance envers le nom connu par dose de mort fine injecté sous la peau. Pourtant, nous ne portons ni le voile, ni le corps en… croix.
Qui est l’Objet Vorace Non Identifié finalement ?
Qui tente de briller si haut dans le ciel qu’il finit par pas lire le soleil coincé entre la Bible des Crétins et le « Comment devenir eux-reux » dans le rayon désastronomie ?
Toi, qui en une demi-heure de travail te sens pousser des ailes raides de Gudule étant sur la route toute la Sainte journée ?
Eux, qui t’ont engagé ?
Ou nous, qui nous sommes encagés sans l’ombre d’un lézard, perpétuant « La conne rit sous son château », remake reMisterRisée de « La ferme ! C’est lait bridé et poulettes agrippées » ?

Au fond, il n’y a rien d’énigmatique dans ta fonction. Elle suit une logique que peut-être, tu ne veux voir, trop occupé à mirer la poutre coincée dans la bouche de la voisine faisant pousser du blé au coins de ton œil bordé d’un sourd « Si…» !

Bien n’a toit Mysery shopper,
N&M’s.

 

° En cas de projection inopinée dans la gueule, rincez abondamment à l’eau chaude afin de ne pas avoir froid aux yeux.

 

Laura Bigattini

 

 

 

Camille de Taeye

 

 

 

 

VAGUE.

 

Tard le soir elle arrivait avec son sourire
Elle se montrait par la fenêtre entrouverte
La lune faisait pareil
Toutes les deux se rapprochaient du lit
Silencieusement la pièce s'éclairait
Mais rien ne bougeait

Sur une table ronde un rond de verre séchait
La tête posée à même le bois voyait le mur
Porteur d'images et de fissures fines
Le cœur rythmait le temps absent

L’ombre revenant à la pièce
Alors que s'éclipsait la lune
La fenêtre se fermait sans bruit

 

 

Abdel Wahab.



 

 

 

 

 

 

Re-naissance

 

Tu étais une orgueilleuse montagne
Que mon âme entreprit de gravir
Pour voir
Jusqu'où s'étend le monde hors de l'homme

 

Ma prétention me confondait aux chevaux
Ceux qui gambadent dans la nature belle et sauvage
Ceux qu'on comprime pour leur force dans les cylindres
Alors j'ai marché ta crête me boussolant

 

Aucune demande autre que ma volonté
Ne me dénuda...

 

Paul Nwesla.
 



 

 

 

 

Mido

 

 


Stigmates 1

 

De profil , elle fait face.
Ses mains sont gourdes où poser son visage
Elle ne prie pas. Elle dort.
 
Cousue elle est trouée,
fendue, infabulée.
Marquée
 Ses codes n’ont de sens que dans le langage des oiseaux.
Forme informée, elle, approximative.
tissée de barreaux, elle s’évase.
s’évade.
Arc en terre.

Prisonnière de sa peau, elle fuit dans la fente,  la pliure, la ride et le creux
Toujours à la tache.
Son seul piercing c’est au cerveau. Très pas née.

 

 

a   a

Jacqueline Fischer.......

 

 

 

Robert Varlez

 

 

 

Aux barbelés du temps

 

Aux barbelés du temps
les mois d’insouciance
mon âme ecchymose
lambeaux de peau
Ecorchures amantes
Aux barbelés du temps
la mort égratignée déchira sa toge
et toute dévêtue
jusqu’à moi
yeux noirs de jais
et lèvres amarantes
elle accourut
Je lui ouvris les bras
Aux barbelés du temps
j’ai pendu mes haillons
et frayeurs viscérales
Elle posa ma main
sur sa peau douce
et dans un souffle
à mon oreille murmura :
Prends-moi…
Aux barbelés du temps
je ne m’écorche plus
A chaque année
A chaque jour qui passe
Au fil du temps
Dans l’ivresse de son corps
Je meurs et je renais
en attendant la noce.

 

Laurent Chaineux.

 


 

Karl

 

 

 

 

Gorge subliminale, blottie en tes fourrés de transparences tièdes, tu gémis d’impatience. Ne laisse pas filer le guide aléatoire aux pas perdus dans les fossés dégoulinants. Retiens-le sur son aire par les moyens du bord, accroche-toi au bastingage de ses mots. Fer rougi sur la peau, friselis des brûlures, bouches ardentes au flanc d’un volcan prodigieux. Miracles d’eau salée dans la bouche entrouverte, rire et sueur cascadant le long des jambes haut levées.
Rôde la peur sur ses mystères, frôle la nuit aveuglément, tissée en fils ténus d’aiguilles diaphanes. Morbidité des souvenirs sur fond glacé, glas d’amertume aux lèvres bleues et retroussées. Rictus solide, étau de parenté tenace, indissoluble dans l’eau fertile des tentations.
Toi qui perces à jour, sommeil après sommeil, l’anneau mouvant de mon attente, je te salue au bief du lit. Quand le dur noyau du désir se résout tout en émergence, le corps en perdition exulte. Tête en avant, ne crains plus l’équivoque caresse, éblouis-toi pour subvenir aux besoins creux de mon corps éveillé. Rassemble les coulées de tes forces obscures en un fleuve meurtri, ondoyant sur la crête du défi relevé. Mélopée du sexe qui se rassasie en passant d’une même innocence perdue-retrouvée sous le sabot fêlé des faunes et satyres.
Piéride veloutée, blanche absurdement, attendant, corps oblong, que naisse à tire-d’aile sa délivrance des combats. Patience même dans la frénésie de la course à l’amour. Nous aurons tôt fait de cueillir l’écalcitrante aubaine du recul accepté sans larmes ni fureur. Revivre dans un siècle ou sur un pas de porte, cuisses écartelées parées pour les noces du sang et du velours. Ebriété subtile de mon sexe engorgé par ton essence appropriée et sur les draps raidis, révélation d’une opalescence nacrée, reflet de nos insomnies récurrentes.

 

Jo Hubert

 

 

 

Jo Hubert