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RE-MUE revue littéraire des lézards en mutation permanente. Chaque mois, RE-MUE donne la parole à un nouvel invité |
N °12 |
Eric Dejaeger, invité de ReMue.
Eric, te définirais-tu comme un homme sérieux qui , sérieusement, ne se prend pas trop au sérieux ?
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Eric Dejaeger : Un homme sérieux qui , sérieusement, ne se prend pas au sérieux ? Je ne me prends certainement pas au sérieux ! Mais le-fais-je avec sérieux ? C’est difficile à dire car, le sérieux, c’est pas trop mon truc. Par contre, quand je me mets à faire quelque chose, je le fais sérieusement, pour que ça donne un résultat correct. Un homme sérieux, pour moi, c’est quelqu’un qui ne rigole jamais, qui n’a pas d’humour. Dans ce sens-là, je ne suis pas un homme sérieux. |
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Tu es aussi un homme de blogs. Qu’est-ce que « la belle-mère dure », mise à part celle dans laquelle nous sommes tous plongés ? (voir http://lbmdure.canalblog.com/) |
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C’est une revue que j’ai créée avec deux amis, il y a un an et demi ou deux ans. Le numéro 15 va être mis en ligne dans un jour ou deux. C’est une revue virtuelle que l’on peut éventuellement imprimer chez soi. C’est une revue, disons impertinente, dans laquelle nous essayons de passer des textes d’une longueur que je ne pourrais pas publier dans la revue « Microbe » (voir infra). Le genre de textes publiés dans « la belle-mère dure » pourrait aussi choquer certains lecteurs, alors que le but n’est pas précisément de choquer mais plutôt de faire prendre conscience de certaines choses. Certains articles se rapportent à l’actualité. Il y a un petit côté provocateur mais ce n’est pas de la provocation à outrance. |
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Et « Court toujours », à quoi ça sert, sinon à éloigner les importuns ? (voir http://courttoujours.hautetfort.com/) |
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Il s’agit de mon propre blog, que j’ai créé pour poster les textes courts que j’écris. Cela me permet de faire lire mes textes à quelques personnes qui viennent régulièrement visiter mon blog. Cela n’a aucune autre prétention. J’y parle aussi de mes lectures. Lorsqu’un livre m’a plu, j’écris une petite note à son sujet, lorsqu’une nouvelle revue est créée, j’annonce sa parution, etc. En ce qui concerne les livres au sujet desquels j’écris des commentaires, ce ne sont pas forcément des nouveautés mais des ouvrages que j’ai aimés, même s’ils ont été écrits il y a 10, 15 ou 20 ans. |
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Dans ta propre écriture, tu marques une prédilection pour les textes courts, tu es un fervent partisan de l’élagage. Un de tes ouvrages s’appelle « Elagage max » et « Jivarosseries » se définit comme « contes élagués ». Quand on écrit des textes courts, est-ce, comme certains auraient tendance à le croire, parce que l’on n’est pas capable d’écrire des textes longs ? |
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Si j’écris des textes courts c’est parce que cela va plus vite que d’écrire des textes longs ! Le temps me manque, je ne suis pas écrivain à temps-plein, j’ai une occupation professionnelle. Par la force des choses, je me suis habitué à écrire des textes très courts. |
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Si tu disposais d’un congé sabbatique de trois ans, par exemple, te lancerais-tu dans une œuvre de plus longue haleine ? |
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Oui, j’ai des projets de romans, certains sont même déjà commencés, mais j’ai décidé de ne plus toucher à ces projets tant que je ne dispose pas du temps nécessaire pour m’y consacrer. Cela devra probablement attendre que je sois à la retraite car je ne pense pas que l’on m’offre trois années de congé sabbatique ! |
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Tu nous a un jour parlé de ton admiration pour Jacques Sternberg. Que t’a-t-il apporté ? (Jacques Sternberg a écrit la préface du livre d’Eric, « Elagage max », ndlr). |
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Oui, Jacques Sternberg est un auteur que j’admire beaucoup, c’est mon écrivain francophone préféré. Ce qu’il m’a apporté, c’est la manière d’écrire des choses très courtes. C’est le grand spécialiste du conte bref. D’après ses dires, il en aurait écrit un peu plus de mille cinq cents ! Il a un style bien particulier, pas un mot de trop, une écriture bien carrée, très percutante, avec des chutes absolument inattendues. J’apprécie aussi l’absurde dans ses écrits, la science-fiction. J’aime aussi ses romans mais j’ai une prédilection pour ses textes courts. |
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Les auteurs de la beat generation ont-ils influencé ton écriture ? De quelle manière ? Pour fêter les dix ans de la revue « Microbe », tu vas publier bientôt un numéro consacré à Richard Brautigan… |
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Je ne suis pas un fervent admirateur des auteurs de la beat generation… Brautigan est de la génération suivante, celle des hippies, du San Francisco de la deuxième moitié des années soixante… Certains rattachent également Bukowski à la beat generation mais, personnellement, je ne vois pas le rapport. J’ai lu Jack Kerouac mais je n’ai pas vraiment accroché à « Sur la route/On the Road ». J’ai préféré « Les clochard célestes » ou encore des recueils de nouvelles… |
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Que préfères-tu pratiquer : l’humour, le cynisme ou l’autodérision ? |
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J’aime surtout pratiquer l’humour, j’essaie d’en mettre un peu dans pratiquement tout ce que j’écris, que cet humour soit rose ou noir, d’ailleurs… Le cynisme, oui, mais pas trop, cela devient vite lassant. L’autodérision, je la pratique aussi mais il ne faut pas que cela devienne systématique. J’avais un ami qui préparait une sorte d’anthologie de l’autodérision et il m’avait invité à y participer. Je n’avais pas envie d’écrire un article sur l’autodérision. Du coup, je lui ai envoyé un texte assez dérisoire au sujet d’une voiture, c’était ma manière de faire de l’autodérision. Le texte n’a pas été accepté, c’était sans doute trop auto-dérisoire pour cette anthologie dans la quelle je ne figure donc pas ! |
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Tu enseignes les langues germaniques et tu es aussi traducteur. En-dehors des apports évidents des langues germaniques en matière de vocabulaire (le Franglais est devenu un lieu commun, pour ne pas dire un empiètement ou une occupation – dans le sens envahisseur du terme), la langue française est-elle particulièrement perméable aux influences étrangères et leur rend-elle parfois la politesse ? Les emprunts sont-ils réciproques ? |
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On prend toujours l’exemple du franglais parce que, effectivement, à l’heure actuelle le français a intégré beaucoup de mots qui viennent de l’anglais mais il faut se rappeler qu’après la bataille de Hastings en 1066, on a parlé français pendant plusieurs siècles à la Cour d’Angleterre. C’est ainsi que beaucoup de mots d’origine française se retrouvent dans la langue anglaise. Maintenant, c’est un peu l’inverse qui se produit. Parallèlement, on continue à inventer des mots en français, même s’ils ne figurent pas encore au dictionnaire. J’aime beaucoup les néologismes. La francisation des mots anglais est une solution de facilité, par rapport à la création de néologismes qui pourraient désigner la même chose. Question de paresse ? Les canadiens francophones sont beaucoup plus inventifs que nous quand il s’agit de trouver des mots nouveaux à consonances françaises. |
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Quand on écrit, les autres langues que l’on pratique couramment ne s’imposent-elles pas en filigrane, comme des arrière-pensées ? Si oui, les perçois-tu plutôt comme des parasites ou comme des greffons fertiles ? |
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Je ne ressens pas la présence sous-jacente du néerlandais. Il m’arrive d’écrire en anglais mais pas en néerlandais. La syntaxe est trop différente de celle du français. Je lis aussi très peu en néerlandais, je préfère de loin lire en anglais. Il est vrai que ce choix peut influencer ma façon d’écrire car l’anglais permet d’utiliser de sérieux raccourcis, c’est une langue très condensée, concise. Peut-être le fait de maîtriser l’anglais, de lire dans cette langue, me pousse-t-elle, lorsque j’écris en français, de chercher d’instinct les raccourcis que permet la langue anglaise. Quand je traduis de l’anglais en français, j’ai du mal à produire un texte aussi court que l’original anglais. Je suis en train de faire une traduction du poète américain Gerry Locklin et je réalise que des vers de cinq mots en anglais en demandent huit dans leur traduction en français… |
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Ton dernier roman paru, « Le seigneur des ânes » est visiblement inspiré de ton expérience d’enseignant. As-tu l’impression qu’en Belgique l’école favorise la créativité ? L’institution scolaire est-elle compatible avec la liberté d’expression, tant dans le chef des enseignants que dans celui des élèves ? Encourage-t-elle la libération du langage ? Il faut savoir que « Le seigneur des ânes » est un ouvrage de fiction. Ce n’est pas inspiré directement par mon expérience personnelle. Je dirais que 98% du contenu ressort de la fiction. Le personnage principal de mon livre, l’élève Ronny Serpin, je l’ai entièrement inventé, à moins qu’il ne soit la synthèse de tous ceux que j’ai croisés en trente ans. Il n’y a que très peu d’apports autobiographiques dans ce livre, même si l’atmosphère de l’école m’est évidement familière. En ce qui concerne la liberté d’expression, il est clair qu’au sein d’une école, on ne dit pas ce qu’on veut. Dans mes cours de langues, je ne parle pas de politique, de religion, par exemple, d’autant plus que ce sont de jeunes élèves débutants. Si j’abordais ce genre de sujet, je devrais le faire en français et cela n’aurait plus rien à voir avec le sujet de mon cours. Quant aux élèves, ils sont aussi limités dans ce qu’ils peuvent dire en classe. Les exercices d’expression écrite ne constituent pas l’essentiel d’un cours, même d’un cours de français. Ce n’est qu’une partie du cours…
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L'édition
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Depuis presque vingt ans, tu t’adonnes à la microédition : une revue, « Microbe », six numéros par an, publiant des textes courts d’auteurs divers. En plus, cinq recueils par an, les « Minicrobes » consacrés chacun à un auteur. Il s’agit d’une démarche visant à « donner la parole », ce qui est très différent de « donner sa langue au chat » ou, comme dirait Freud, « donner sa langue au ça ». Quel démon intérieur t’a poussé à cette démarche ? |
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La microédition, je l’ai commencée il y environ vingt ans, avec une revue qui s’appelais « Ecrits vains ». Je l’ai arrêtée par manque de temps. En septembre 2000, avec mon ami Paul Guiot, j’ai lancé la petite revue « Microbe », dont le numéro 61 paraîtra pour le dixième anniversaire. Pour l’instant, depuis un an et demi, Paul s’est tourné vers la musique, il a créé un groupe et m’a demandé de prendre en charge tous les numéros. |
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Comment recrutes-tu tes auteurs ou, plutôt, comment as-tu recruté les premiers auteurs dont les textes ont paru dans « Microbe » ? |
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J’étais abonné à pas mal d’autres revues. Lorsque des textes me plaisaient, je demandais à l’éditeur de me fournir les coordonnées de l’auteur et c’est ainsi que j’entrais en contact avec lui. Au fil du temps, des propositions spontanées me parviennent en plus grand nombre. |
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Conclusion. |
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La traduction, l’écriture, la micro-édition, les blogs à mettre à jour, en plus de ton travail d’enseignant… aurais-tu inventé une machine-à-étirer-le-temps ? |
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J’essaie de m’organiser au maximum afin qu’il me reste du temps à consacrer à la lecture, à l’écriture, à la microédition, à la traduction… J’ai aussi la chance de pouvoir travailler vite. Par exemple, la réalisation de la maquette d’un « Microbe » ne me prend pas plus de trois heures. Quand la période de parution approche, je me réserve un samedi après-midi ou un dimanche matin que je consacre exclusivement à ce travail. Après, je fais faire des photocopies, qui m’arrivent découpées mais c’est moi qui agrafe, qui mets sous enveloppes, etc. Cela aussi me prend une demi-journée, c’est peut-être un peu moins passionnant mais néanmoins nécessaire… Et puis qu’est-ce qu’une demi-journée tous les deux mois ? |
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Tu espères continuer encore longtemps ? |
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Oh oui, cela me plaît toujours autant et tant que cela me plaît, il n’y a pas de raison d’arrêter… Dans six ou sept ans, nous devrions arriver au numéro 100. Cela me ferait bien plaisir, d’ailleurs, un numéro 100… Pour une revue, c’est un événement, le numéro 100 ! |
Éric Dejaeger - Bibliographie Carnet d’extraits de calepins, Les Carnets du Dessert de Lune, 1996 À paraître début 2011 En recherche d’édition
Depuis 1982, plus de 600 textes parus dans plus de 80 revues. |
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