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Lèse-Art Re-Mue

RE-MUE revue littéraire des lézards en mutation permanente.

Chaque mois, RE-MUE donne la parole à un nouvel invité

  N °9

 

             Notre invité  Tarek Essaker

 

ReMue a soumis à Tarek Essaker une batterie de questions, qu’il a choisi de parcourir « en nomade », empruntant parfois des chemins de traverse, comme pour nous prouver que tout territoire abordé est porteur de promesses, que tout déracinement - si douloureux soit-il - est potentiellement fertile. Se rendre disponible, s’ouvrir au monde, et cueillir au passage les fruits de l’imprévu…

 

 

Tarek invite les lecteurs de ReMue à partager son voyage…

 

J'ose suggérer une « Promenade »...comme chercher..explorer..palper..dans l'indicible..dans les reflets..dans les énigmes..faire des pas dans ce qui est estompé...dans les broussailles...Entendre..imaginer..voir...lire dans la terre les sonorités des êtres et des choses..leurs éclosions..leurs vivre et leurs morts...Goûter à leurs éclats comme aux improbables chemins .. pensées et leurs mystères.....

 

 

 

Ecriture(s) nomade(s) : entrées possibles.

 

On invente à tout moment un conte pour l'exil..avec des longs récits où tout se mêle...arrachement..partance...retrouvailles...souffrances...joies....adieux..des espaces, étendues et des compagnons comme les papillons...des rêves ou l'ascèse des ombres.
Tout y est....spontanément..comme à l'étroit...Le chemin et le voyageur s'y retrouvent.

Hutte faite de branchages..Roseaux..mots et respirations...Le tout précaire et fragile..énoncé de vies anciennes et nouvelles...en prisme..Le fil des chemins est lié à la trame de mots...dans les souffles soudains..parmi les visages...les mains..les pas..les pensées.. qui lient et désignent l'acte de création.

Ornement et motif...parure...oscillation..ondulation..entre ravines et ornières...ossatures et ouvrages...calligraphies des ouvrages et ourlets des silences. Tous ces possibles et multiples entrées  prennent et affectent le nivelé du langage..la noirceur de l'encre..la « nomadité » de l'ancre..lient les nœuds des noceurs des langues et des territoires..à la nécessité de survie du nomade...
Niches des errances et enfilage des destinées.

La trame de ce qui s'absente et lancine...se brise et passe tout simplement...un doute de sous les ailes des hirondelles nomades...une somnolence du commencement et l'éveil de la fin.

Céramiques qui figurent et actent le lieu de l'inconnu et du mystérieux...Une ramification à l'autre pour ne pas oublier l'offrande des chemins.

 

 

                              

                          

 

 

 

 

 

 

 

Pas à pas.

 

Le rêve comme patrie absente s 'embrase et achève sa vie dans des clairières de somnolence. Perplexe entre deux poèmes..entre les chemins, entre remparts...entre les courbes..entre les envols des oiseaux hilares..entre les vents et les vagues...Écritures sur les pas des joies et des tristesses-qu'importe- entre le lointain et son lointain à la rencontre ...à pas lents..des vocabulaires divers..et le calcaire de l'imaginaire..vers les équations des fugues...Vers lessignes des absents et dans l'œil du vent.

De bonne ou de mauvaise houle..dans le tracé des terres fourbes ou amicales ..parmi le rouet des alphabets...Éclaboussée des poussières des matins égarés..des nuits hasardeuses..les lézardes en hameau déhalent ce qui s'obstine à enlacer la terre et y rester.

Au matin d'un désert..au soir d'une ville ne nous faudra-t-il pas recomposer...inventer..balbutier...prendre en cri ou en silence les lieux comme des précipices...ces alphabets comme ces corps nus devenant êtres..naître Hommes..signes..demeures..broussailles..s'entêtent..tempêtent..éclaboussent... assaillent et veillent parmi les pas qui pavanent aux côtés des verbes et pavés..parmi vents et brouillards.

Voix ..routes..chemins..champs..en mer..en friches..bois..chaux..chaumes..murmures..rires..tous intarissables se mêlent ou se consument en bordure..en cavale...en vieilles plaies..en haute fuite.

Terres qui s'acquittent des solitudes..des songes et nomment..goûtent à ce qui scelle le saisissable à l'insaisissable toujours renommé.

Prendre pied pour apprendre à être traître à ses ombres..à ses fragments du temps en élans. Maille après l'autre sceller le rêve au réel...l'absence à la présence..un langue à l'autre comme pour aller cueillir pétale après pétale les grands et petits chaos au plus profond ..dans leurs conques...à la rencontre de ce que nous sommes..de ce qu'on aurait pu ou du être..Il y a des choses à délivrer et nous avons à trancher dans les cordes..les gerbes..les socles..les peurs qui assaillent et tressaillent.

On voudrait creuser plus loin..franchir au loin ce qui semble interrompu en nous..meurtri..veiller à grandir..à réaliser la mue là où la peur ..l'incertain..l'inconnu nous gagne.

 

                              

 

 

 

 

 

 

(Mé)tissages.

 

Les langues conjuguent la vie dans ces élans de diversion à tous les modes ..à la capture de tout ce qui est infime, infini signes et embuscades diverses. Ruses à nous traverser, marchent à nos côtés, en nos pas, en nos chairs. Interminable présent- en partie noire- ..un damier en cases..ou en interstices, trouve devenir..se sauve pour délier les innommables rondes des silences...des cris- autant les mots-..affranchis..l'oubli désoublier..et effacent les chemins retrouvés.
Les mots butinent , prennent figures..visages..formes...et, sensuelles ou pas, significations...Multiples...c'est là où  l'univers  sans chercher, réclame sa venue avec la nôtre...il nourrit ce qui est indispensable...mais à quel prix!

Cela ne se passe pas sans ruine..sans défaillance par-devers les innocences...promesses meurtrières.. et idées  impitoyables de lynchages..

Détrousser les langues, les vivants, les morts, les mots, les silences, les habitudes, les enclaves, les frontière pour être sauvé, pour circuler...frondeur..à contre-courant pour apprendre...à contrecoup pour savoir d'où nous sommes venus..Pour d'autres criées..pour d'autres bans...le mouvement nous paraît lointain et dérisoire..Pour d'autres lames de fonds...comme des nouveaux bâtisseurs turbulents pour d'improbables édifices....là où ça pousse plus loin...devant...à côté..au fond...

Ajouter un rêve à cette démarche qui déjà en elle-même paraît compliquée....
Esquisse se tresse et n'existe....

quelle est cette ou ces voix..qui ..en danse circulaire ..de si loin..de si proche..prend ou prennent formes..drame sans drame..commence..recommence..bégaie..travaille à s'envoler autrement à se poser et se faire oublier autrement...

 

                            

 

 

 

 

 

Résurgences.

 

Il a suffi à notre histoire de se retrouver quelques diables plus loin..plus tard pour un si long moment au bord des écumes..aux invraisemblables couleurs..auprès des éclats de nos noms..ou ce qu'il en reste....parce qu’on pense qu'ils n'ont pas encore perdu la partie..et laquelle?..y en a-t-il une ou plusieurs?
Nous hâbleurs du feu d'ailleurs..de l'eau..hâbleurs de la peur..à quoi pouvons nous prétendre?....Nous habitions nos rives..nos noms et nos mots que nous portions à toutes les lèvres qui aimaient raconter des histoires...aux portes entrouvertes de nuit comme de jour....Nous pensions aller plus loin qu'un silence...de pierre...aussi loin qu'une dictature..aussi loin que la main d'une femme si proche..aussi loin qu'une faim ou une fin..aussi loin que le vide d'un signe vide..aussi loin que nos morts sous les nuages...plus loin que les interdits ..nous qui n'osons plus aller jusqu'au bout de la rue des amandiers.

On occulte nos histoires comme on dame la terre et quelques temps plus tard en y revient comme un chien affamé à la trace de ses trésors cachés....

On ferme persienne et jalousie comme sauf-conduit au présent avec déni et diktat...le néant exige de nous de faire silence..ou de faire le mur..faire la mer..faire..révolte..volte face...On dissimule nos insomnies entre nos mains de peur qu'on nous reconnaisse parmi les anonymes gens du jour..parmi les rêveurs qui ne savent à quoi riment leurs rêves...

On broute à l'oubli..on arrache les mémoires à leurs trônes..pour qu'émergent enfin d'autres chants..d'autres mots..d'autres murmures..qu'on apprenne d'étranges voix dans des solitudes épaisses comme du petit lait....Parce que toute fin a un commencement...A pas éphémères on se noie comme on sauve sa peau..comme on survit.

Voyage en quête de l'insatiable idée du refus...l'incontournable idée de la transgression...au sein et en dehors des communautés...Il nous reste la liberté..sa dissolution...comme sa reconstruction...forme et fond...Nous reste la beauté à laquelle on arrache à chaque fois de l'ombre..ou du moins on tente..Nous restent les regards étranges qui tissent... à tort ou à raison...désir

...vouloir..envie..joie..Tendresse....Une survie qu'on se crée pour tenter la traversée..

 

                                     

 

 

 

 

 

 

 

 

Divergences et variations.

 

Tentative où le je et l'autre tentent l'impossible agencement de possession et d'appartenance..tentent à ériger choses autres...Infinies mesures...cadences autres...si j'ose dire...des multitudes de géographies, géométries, reliefs..couleurs..architectures..chorégraphies...formes..contours..énonciations... nouvelles. langues..Arts..références...esthétiques..performances... représentations....champs d'histoire..paysages..portraits..visages..expressivités... inspirés et contraints ...en bordure..au bord..en cavale...en plein pied..

Les exils...si j'ose m'exprimer ainsi.. ou voyages...peut-être même... intérieurs..immobiles...nous haussent au niveau du déracinement...de l'arrachement jusqu'à nous prêter leurs voix...                                                Présences-Absences...à n'être plus- à être plus...
Espérances et souffrances...à la fois légères et graves...
Une fraction d'un désert épris d'espace et de liberté pour penser ou vouloir le ferrer..

Abolir les distances..abolir les frontières...les ferrements...c'est abolir les limites de la vie et de la mort....Dans la chair et dans l'esprit...on taille dans les langues..dans les arrachements..dans les amputations..dans les arts..dans les champs des représentations..dans les paysages...portraits..expressivité.....Inspiré et contraint..en bordure...en cavale..au bord..en plein dedans et en dehors...on tente d’exprimer les altérations de ce fait de vivre ou de survivre...et démontrer que la vie est intacte...Et rendre infinies les étendues à inventer...à réinventer..refaire..défaire..faire..ce qui n'est pas encore né ou qui n'a pas encore vu le jour...
Il s'agit de toucher à la vie..cette fragile et infernale..chose.. ressac..houle...que, prétend-on, les cultures ou leurs formes par leurs différences et distances n'appréhendent pas de la même manière sinon hiérarchisées et ferrées...en domination ou en aliénation...

 

 

                                        

 

 

 

 

 

 

Solitude et partages.

Écrire à l'assaut des blessures...toujours vivaces...des mots bercés comme bousculés par les remous de l'univers...décrivent...décident...dédient...vaincus ou vainqueurs à notre insu ou notre complicité  pour relancer une tâche à jamais inachevée mais expose..implose..mise en danger...

Sans s'identifier à ses mots on grave ce qui demeure d'eux au silence ...confié à la graphie impitoyable de la question de survie....mots..paroles..gestes...comme prétexte ou contexte à toutes les métamorphoses...

Un écrit dans lequel toutes les langues n'auraient pas leur place, lui manquerait la part belle des mondes improvisés..crées...tracés...

Les mots les écrits..les langues nous donnent ces possibles que nous ne pouvons donner à nous-mêmes ....alors qu'on vit et on meurt par eux....

L'écrit n'est que le moment retenu comme un visage..un trait...un collage..un sceau..une convulsion...un nid de doute..un abandon jamais tout à fait..contaminé..débarque si vaste ses propres marges...

La langue guerroie..négocie..appelle..somme..nomme..interpelle... « ...porte tous les chemins comme toutes les langues...en toi..ceux des Hommes et ceux que tu as à inventer.. »
Je ne sais quel auteur disait.. «  dis- nous l'histoire de cet homme ..je vous dirai l'histoire de sa solitude... »

On porte tous les chemins..toutes les langues en nous...amusé..ému..on apprend à mourir ...à partager l'audace de sa propre solitude comme celle de son ombre... celles de ses pas.. de ses rencontres imprévues qui bouleversent leurs propres existences en affectant tant d'autres....Des rencontres qui renouvellent leurs habitants et ne se protègent pas de la dispersion..
.Jamais partis..Jamais revenus...

Je parle les langues que mes mains d'étranger partout ont retenues...ce que mes pas donnent à naître....à saisir....à ouïr...à toucher...à oublier..à susurrer...à fredonner..ce qui est autour et avec.

 

Mohamed Ben Hamadi, calligraphe

 

                                        

 

 

 

 

 

 

Mémoire(s).

 

Ailleurs et partout..l'enfance comme l'adolescence sont des territoires de mémoire...des lieux des imaginaires multipliés...sans barrières ni frontières...dans ce qui nous fait et nous narre ...nous habite et nous conte.....

Il n' y a pas plus têtue que la mémoire....et la parole ne tarit jamais...Poussière trop tenace...

Plus rien dans l'histoire de ma langue maternelle n'indique ma présence ou mon absence...Tout porte à croire que l'essentiel n'est pas là....Il est sur les pages blanches ou ses marges comme une ombre lentement  fugitive...Toujours en vouloir...en conflit dans les courants d'air...dans les vents où toutes les langues poussent plus loin...comme des négoces qui rusent et ne cessent de nous relancer..

L'existence est une interrogation...la parole la prolonge..l'écrit fait d'elle un lieu... pour pousser jusqu'aux limites..de ce que nous ignorons de nous même et des autres êtres...

Je pense que tout a été dit dans toutes les langues..et dans tout les silences...
 

 

                                        

 

La suite de l’interview de Tarek Essaker paraîtra dans ReMue de juillet.

 

 

 

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