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Lèse-Art Re-Mue

RE-MUE revue littéraire des lézards en mutation permanente.

Chaque mois, RE-MUE donne la parole à un nouvel invité

  N °5

Le doigt dans l'encre-nage

 

 

 

TITRE

 

Catalpas

 

...On voulait dire, autour, lieu, moment, chemin, abrupt, ruine d'arbres, branches, silencieuses, rageuses. On voudrait chuchoter, être à cet entre lieu, on s'y penche, on respire, vieille neige, tâche le dimanche, ciel, encre où commence le vent. On voudrait murmures, horizon, insatiable, braise, corbeille, poussière en parure. Tout se met en jeu, être en état et se défaire de soi, faire rupture et se faire rupture. Tout est mis en jeu, en relation, dans l'entrain de tracer sa propre échappée, sa propre traversée, sa propre sortie, ce moment chaotique, incertain. L'on voudrait que cela prenne tantôt pied tantôt le perde, en cavale, en bordure, en désir, en survie, en possible, en ouvert.


On voulait dire, l'être en vivant, en expédition, en tribu, sans trajectoire, sans mesure, déjouer les filages, les maillages. En lui, tribu éberluée, diffuse, fuse, souveraine, soudaine à faire sursauter les dieux.


Qu'est ce que donc ce qu'on veut dire ou effleurer, approcher, respirer, regarder? Un éclair tout en instant, tout en flamme, tout en plein cœur d'aussi fragile manque. Mais on entend encore, on voit, on sourd, on dort, on rassemble avant d'y avoir même songer, là à saisir, on s'en écarte, d'un pan à l'autre, désormais toute figure nous prend ci et là sans pouvoir nous saisir ou ne saisir que des bribes immédiates.


Tout le monde est dans tout le monde, d'enfance, d'histoire, de chemin, de côte à côte, tous ces êtres et choses comme pour éclore, comme pour faiblement toucher à la distance qui nous sépare du jour et de la nuit.


A l'aube, un frémissement, un papier blanc ou une aile pliée d'un oiseau migrateur, il s'agit d'un spasme, d'une convulsion, une contraction ou quelques chose de ce genre, désormais, chaque moment passe au travers des tamis d'absences, au travers la lie d'exister. Le tout empli tout et ce n'est qu'une parenthèse. Le vent erre dans le vent. L'ombre douillette des chemins balaie les visages que l'on voudrait présents.

L'on voudrait refaire la syntaxe de toute lumière, la géographie des pierres. Il y a foule, il y a forme autour de ce qui nous abandonne. il y a désinence, visages, ombres, murmures, chambre, écritures, plumes, voix, rues, vides, l'oblique des briques, le large du chaos...

Volatiles audaces, la capture de l'entour, de l'en dedans, du dehors, désir et germe furtive, d'un bref voyages ou multiples chemins quand tous les possibles sont graves, rieurs, surtout, plus légers, moins frais. Luire au bout de je ne sais quel mystère, là où on voit, en pleine vue, en pleine couleur où frémissent des brisées de silences, des fatigues en monticules et des longues saisons sans formes.

Surtout au petit jour, au bout, sans y croire lorsque on abandonne sa tête lasse, son corps défait et les mains, si traîtres, invalident le possible, œuvrent aux désastres des naissances, aux courbes énigmatiques des arbres et dévastent les géométries des absences.
En rameaux, en dépit de la trahison des fleurs et des touffes d'herbe, les oiseaux migrateurs sont là, apaisés, sans l'accalmie des horizons.....

 

Tarek Essaker

Liège

 

 

 

 

OBSCENE
 
Que les bigleux se méfient : ici, tout est obscène. Du regard que nous posons sur les êtres et les choses jusqu’à la façon biaisée d’en parler, avec nos langues mièvres malgré leurs sonorités palatales ; langues boursouflées dans des bouches suffisantes et mal aérées, aux odeurs de choux . Langues, lambeaux obscènes de maclottes roses flanquées de caries mal pansées. Langues à l’agonie comme l’homme,
impitoyablement.  Langues si ridiculement prétentieuses et médiocres dans cet espace clos, définitivement clos, de tous les mensonges, de toutes les forfaitures et des pires hypocrisies.

Faudra-t-il que l’infamie se dévête devant vous ô bigleux ? Est-il nécessaire que j’en fasse la démonstration ? L’air que nous respirons n’a-t-il pas léché assez d’ordures et l’eau qu’on boit lavé assez d’étrons ?

Si nos collines vertes sont devenues bois de gibets et si le cadavre a pu pendant des lustres y décliner toutes ses grouillantes décompositions accompagné du cri d’oiseaux noirs et facétieux n‘est ce pas là obscène apothéose ?

Trop du sang vif de la jeunesse s’est corrompu au contact de la boue, trop de nos rivières se sont transformées en débardeuses de cadavres.
Ouvrez l’œil, bigleux ! le bon et craignez que l’évidence vous le crève.
Oublions la banale obscénité du sacristain. Admettons que la pénombre des lieux arrangeait bien des choses.
Ne parlons plus des yeux porcins de la nonne. Reconnaissons, bons princes, que la curette était plus douloureuse que la pilule.
Ne soyons pas haineux ; disons-le : il n’y a jamais eu de cimetières de nouveaux nés. Ni dans, ni autour des couvents. C’était médisance !!

Pincez-vous les narines, tous, bigleux ou pas : ce monde pue et ma colère enfle. Parfois je voudrais tuer mais… prends garde archange la chasse est ouverte et on tirera à vue. Tu mourras. Peut être comme moururent les derniers fauves sauvages en liberté d’Europe… Andreas, Ulrike et quelques autres qui refusaient l’écuelle servie dans la cage US.
Dans les forêts de Germanie on a sonné l’hallali. Sur les terres vaticanes, les abatteurs romains ont ratissé le maquis et vidé les collines de leurs lapins rouges. Le peuple applaudissait. J’ai vomi.

Obscène.

A quoi bon ressasser tout cela. Allons de l’avant. Ne voyons pas tout en noir. « Il y a des pays où les gens au creux des lits… font des rêves » … ! Regardez, en Belgique, savez-vous que le Roi a toujours eu la grandeur d’âme de ne pas se réfugier derrière la constitution qui lui permettrait, impunément, s’il lui prenait comme à moi des
envies de meurtre, de passer aux actes et d’abattre le premier venu…
« La personne du Roi est inviolable ! » en d’autres termes personne, même Dieu, ne peut l’arrêter, personne ne pourrait lui passer les menottes… et moi qui voyais là une façon de lui épargner des agressions sexuelles… Obscène, vous-dis-je.

De quelque côté que l’on regarde, à perte de vue, il n’y a plus que cohortes de débris humains. Dans les coulisses de notre grande fête diabolique d’occidentaux condamnés, ne retentissent plus que les cris épouvantables des peuples affamés qu’on égorge. Dans nos « boîtes », clubs, discothèques, nos enfants, à nous, soixante-huitards demeurés, paient cash leurs barres de coke, assassinent une vieille voisine ou sniffent des colles.

L’Afrique, n’en parlons pas, elle meurt, elle s’est assoupie dans un linceul et ce n’est plus qu’une question de temps.
Obscène. Oui.

Il n’y a plus que piétinements de troupeaux, de vestiges d’hommes, de femmes, d’enfants qui s’enfoncent, pour n’en jamais ressortir ; dans une nuit de suie.
Même chez nous, dans le bastion occidental, la terreur se prépare.
Guerrilleros du Saint Esprit Catholique, Commandos Evangélistes, Fa Toi Tistes d’Ah Lala rejoints ponctuellement par des Fils de Moïse liés par les liens étroits de leur combat commun, vieux de plusieurs millénaires contre le paganisme fourbissent les armes. Alarme.

Christian Erwin Andersen.

 

 

 

 

 

14 novembre 2009 :
Ces mots qui dans leur aliya
m’ont touché
la terre

se sont vu de près
reconnaître

l’un de l’autre
l’origine…

 

25 novembre 2009 :

à moi

trop présente
lourde
la langue longuement
claque

tourne qu’elle tourne
souffre qu’elle

fane
et calmement
se fonde

muette
dans le vague océan de son âme…

 

10 décembre 2009 :
dire

l’ivre dérive et se dévoile
du bout de ses lèvres fertiles

rebon-dire      sur-vivre
en aval

sa verve ses vers vœux d’argile
mi brindille mi débris de verre

c’est au vu de leur fibre que
valent mieux ces vertiges

dire

dé-lire le procès verbal
et reverser libre

le sang
de 1000 versets.

 

Gaël PIETQUIN.

 

 

......Bestiaire 2

 

 

L’invitation au ne reste pas au rang qui sein titube Le Raki Turc !

 

 

J’aime manger épicé. Le « Je » n’est pas « Le jeu du dictionnaire » mais du missionnaire de mots-clés sur porte. Tu sous-portes la portée (avec bémols) de tes mots puis tu fuis par la fenêtre comme un trait de Ravel dans l’Infante Défunte quand tu as titillé le loup… hors de sa grotte puis qu’il te propose sa glose à l’aide de sa glotte glissante de suaves sensations sismiques à la mimique de l’or qu’elle aura ou non selon le cours du jour ainsi que les règles rouges de l’économie. C’est ma Mie, elle ne mange pas de pain. Elle fabrique du miel de lire(s) pour autant qu’elle rende la monnaie de la pièce sans délire de théâtre sans actants  va la ruche à l’aube qu’elle y récoltent des e-miels. Le temps d’avaler une Friselle et de se fuir sans se donner. Ainsi elle se base sans lick et se contente de son temps mat.
Friselle-temps-mat-base-y-lick, ce mets italien alors que tu lis tes mots en mire roide ou bien en miroir plutôt que de lier tes liens au lit, des phrases avec zèle. C’est de l’auto-dégustation sans partage de tes années qui n’ont pas d’âges. Laura, l’aura pas ? Elle se met à part sur un quelconque Quai du Halage sans prendre de départ tout en jouant son dos aux dés avec d’improbables menteurs périmé d’utérus alors qu’avec le Loup zélé du zizi-gomme-à-tic elle pourrait aller prendre un thé russe ou encore vivre plus fort en ré-écrivant « L’âne nie aimer les sucettes à l’anis » comme le tissu, le serge, qui, a toujours un gain quand ils se bourre. Ou quand il l’a dégaine, le loup pour l’âme de sa louve-amie qui louvoye et qui nie au fond de son nid sans dimanche de « pleine-lune ». Un tien vaut mieux que deux tu Laura tien voilà un bout de daim… Tu peux manger, ce ne sera pas à ta fin !

L’épice est à dessein,  à lape elle, pour pimenter les couvercles des claviers : fuir en rond d’un clavier à l’autre, c’est tourner carré. Le carré n’est pas le ronron de Vénus. Ni le carrons-nous dans un coin carré pour éviter le rond des flancs du loup qui chasse les moutons à cinq Pats. Passes-tu d’un carré à l’autre dans un jeu de marre-elle sans joie dont les chemins de craie se seraient doucement effacés par les bons ni menteurs rivant au sol la case ultime : la case ciel où tu pourrais caser ton cri chaud et rondodelinant en passant par le six puis par le n’œuf pour faire de la soie sentant le neuf plutôt que ronchone-rit et sans la magie de l’humide des lèvres indiennes scalpées de près pour que la langueur s’y attribue mieux comme des petits coups vifs pointus, tel un scalpel en diamant taillé doucement par les ans ? Parlez-en ! Perles humides à débusquer.

Si le Labello masque les lèvres, il enduit d’ennui les instants où tu pourrais aspirer le vent ou la baguette du chef d’orchestre pour un duo sans trille mais avec vibrato et trémolo comme dans le Boléro de Ravel qui a composé un lent orgasme de notes qui ne dénote en aucune façon mais qui glisse vers la chute ascensionnelle…

Si tu choisis le ré-pis ce n’est pas là que tu planques ton G. Point ?  Dont tu es étrangère mais c’est bien sur le sol que l’œuf Fra son dodo en ouvrant les ailes du désir si tu « mi » permets de chasser ; et, à savoir qu’il n’y a pas de la place pour tout le monde et comme le dit la pubis-illicité : « La paire yen n’a pas deux. »

Dégraisser les luettes permettrait de savourer un petit repas pour y voir non Claire en plus mais Laura descendre de sa tour d’ivoire dont elle m’attribue la seule architecture alors qu’elle a acheté la sienne en faisant un prêt éternel dont le remboursement permet simplement d’user une vie sans l’utiliser à bon escient.

Laura qui Turque est fermé le mercredi mais est ouvert à toute(s) logorrhée(s) tous les autres jours de la semaine dont l’étang est compté quand il faut se jeter à l’eau, Bell ou non et, sans être à quelques Graham près… Et, il ne sera pas nécessaire de mettre allo le goret, le rendez-vous n’est cochon mais bien vivant mais peut dériver sur le lard s’il y a la pelle de la chère et, ils nous attendent sans tes lèvres phonées si par hasard elles émettent un seul son dont la couleur ne me fera pas avaler des couleuvres…

Patrick Frasque d'Elle

 

 

 

 

 

 

DES BOUGIES SOUS LA NEIGE.

Malmène l’hostie
précipite sa danse ouatée
remontée lente vers l’infini
avale le feu et le froid.

Quartier nord un must foudroyé
épaule rouge la fêlure
la cendre brute
mène tes mots en esclavage.

Caresse protocolaire, hirsutisme parfait
les mots ne sortent que quand la langue est pâle
quand l’arme ouvre l’aine mystérieuse
et de lacs en lacs se dessine l’orage.

Fiancée de la corne noire
morbleu la veine est jugulaire
« Beau-Bras » pousse au crime
une douce déflagration masse ton œil.

Repousse tes déchets dans le masque
une fissure émerge nue
pulsion parallèle : le Lys à l’envers,
la cohorte génitale fixe le bracelet.

Dimension royale de l’épieu précis
dispute dans l’aine bleue, la mort.
Le vertige mine les jardins
poussière mêlée, bouche d’or.

Mixité mortelle de l’aiguille sainte :
multiplie les morts en plongée.
Un verger lumineux masque le rivage
mêle le bleu, la sentence et le feu.

Des miroirs poussent au bord des lèvres
couloirs couronnés de muguets,
cimetières ouverts aux chiens
carotide fonctionnelle, poupées blanches.

Pirates aux frontières des os
peine percée, hachoir de langues
d’angoisse pourprée, axe de poussière
poudrière commune en vacation.

Robert Varlez.

 

 

 

 

Mon amour

Le vent mouillé
Tombait tombait
A l'aube rouge

De mes pleurs un à un
Sur tes mains sur ta paume
Sur le sang qui bouge
Se creuse le soleil
Au lever du jour

Et à jamais

 

Blanc
J'ai cru tendre la main aux nébuleuses, gronder d'effroi quand tout le monde se tait, tomber dans des atmosphères aux gigantesques couleurs du néant et du tout. J'ai crevé mes nuits à obscurcir le ciel noir de tes images sans fin, sans lumière. J'ai imaginé la lumière, tordue au travers de ta nuque – arroser mes rêves les plus fous. J'ai cru posséder la violence. J'ai vu de la lumière dans l'anéantissement de la matière. Et je me suis perdu dans l'expansion de l'univers.

 

Désert

Souviens-toi,
Il n'y a rien ici
Et pourtant tout y est.

J'ai cherché le silence dans les déserts d'eau et de sable.

Je n'y ai trouvé que la vie.

L'horizon éclate à mes pieds :

Je ne voie plus, le mouvement parle.

 

Nuit bretonne
Les réverbères perlent
Sur la mer élastique

Eau noire qui se meurt
Aux froissements des rires

Nuit d'avril
Fumée amicale
Qui s'en va
Jouir des grincements

Des navires

 

Univers d'été

Le ciel tombe en morceaux – il pleut sans odeurs et sans lumières. Il pleut. L'avenir hésite. En été, sous le soleil gris, je suis en enfer – Le paradis noir m'entraine, à la mort dans la vie, à la violence quand l'amour n'est plus – quand l'espoir est immense. Éclatant le froid et le vide, je pleure – on ne m'entend pas. La boue inonde, je m'enfonce et tire vers le ciel. Même les oiseaux ne m'entendent pas. Maintenant, je suis seul.

Cassandre URVOY.

 

 

 

 

 

Le portrait de la terre
Partie 1
… rire je ne pouvais

la porte du jardin
épargnée par la rouille
portait le souci inutile
de cette terre tirée de certitudes

l’eau et le verre livrent à leur manière
le portrait de la terre

le sable du poème parle
de la couleur de l’ivresse
des yeux à l’ombre des siècles
et des orbites où palpitent des volcans

le sable qui n’est pas celui du poème
se souvient de la cassure des continents,
des tremblements et des orages

le sable qui n’est pas celui du poème
parle aussi des broyeurs de volcans
et de la poussière noire jusqu’au cœur de la terre

le sable qui n’est pas celui du poème
abrite ceux qui dorment et ceux qui veillent
ceux qui marchent sous l’océan du ciel à la seule lueur des étoiles

le sable qui n’est pas celui du poème
retient ceux qui tracent des signes sur la paroi des siècles
et sur leur peau plus vaste qu’un territoire d’hommes

 

le sable du poème parle
de la couleur de l’ivresse
des yeux à l’ombre des siècles
et des orbites où palpitent des volcans

… rire je ne pouvais

l’aube remplie de noms d’enfants
revient, reprend chaque matin sa parole
chaque matin, elle tient dans sa main
la feuille de papier du poème plus blanche que la veille

l’aube et le vers, vieillis, endurcis, blessés, livrent
le portrait de la terre

 

Bocca di Verdi, 1er août 2006


Partie 2
…rire je ne pouvais

le sillon au bout de la charrue
arrêté seulement par la bordure du chemin
soulignait un peu d’avenir
de cette terre aux traits terreux d’inquiétudes

le feu et le fer livrent à leur manière
le portrait de la terre

la cible du poème parle
de la douleur de la détresse
de la courbure des montagnes et des vertèbres
pliées et dépliées à briser le plus infime élan

la cible qui n’est pas celle du poème
se souvient des enfants d’une guerre qui n’était pas la leur
des spasmes des mourants, de la boue à balayer

la cible qui n’est pas celle du poème
parle aussi du sang qui se refuse à sécher, de la tache sur le tablier des femmes
d’une femme morte qui me rappelle ma mère

la cible qui n’est pas celle du poème
protège les chasseurs de baleine et les cueilleurs d’écume
et ceux qui, apercevant une ligne blanche, la nomment aussitôt liberté

la cible qui n’est pas celle du poème
retient le bras de ceux qui griffent le ciel de leurs membres sémaphores
en quête de signaux de ralliement, les mêmes qui emplissent leurs yeux

la cible du poème parle
de la douleur de la détresse
de la courbure des montagnes et des vertèbres
pliées et dépliées à briser le plus infime élan

…rire je ne pouvais

la graine que le vent n’aura pas emportée
ne prévoit pas son lendemain pourtant
chaque matin, elle tient dans sa main
la feuille de papier du poème plus blanche que la veille

la graine et le vers, vieillis, endurcis, blessés, livrent
le portrait de la terre

Ciammannacce, 2 août 2006


Partie 3
…rire je ne pouvais

le bourgeon du printemps
encore imprégné de grésil
supportait la résignation des hivers
de cette terre aux rêves trempés de solitude

le vent et l’amer livrent à leur manière
le portrait de la terre

le socle du poème parle
de la douceur de la caresse
de l’empreinte de l’herbe sur la peau
et des anciennes fougères inscrites dans la chair

le socle qui n’est pas celui du poème
se souvient de la blessure des arbres
de la flambée des prix, de la négation des racines

le socle qui n’est pas celui du poème
parle aussi des briseurs de rêves, des contremaîtres,
de l’ami devenu maréchal d’un pire dont il ne reste qu’un galon

le socle qui n’est pas celui du poème
admet l’alternance des saisons, les salves de l’habitude,
la litanie des demandeuses et ceux qui, le nez collé aux vitres,
s’invitent aux festins des rois

le socle qui n’est pas celui du poème
retient ceux qui mordent encore et qui ne sont pas des chiens
les traqueurs de sollicitude, les aviateurs, les princes et les vauriens

 

le socle du poème parle
de la douceur de la caresse
de l’empreinte de l’herbe sur la peau
et des anciennes fougères inscrites dans la chair

… rire je ne pouvais

La mer recouverte de cœurs gelés
Ne nourrit plus que des corps mourants
Chaque matin, elle tient dans sa main
La feuille de papier du poème plus blanche que la veille

Le ventre et le vers, vieillis, endurcis, blessés, livrent
le portrait de la terre

 

entre Lyon et Bourges, 29 novembre 2006, revu le 20juillet 2008

Yves Béal