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Lèse-Art Re-Mue

RE-MUE revue littéraire des lézards en mutation permanente.

Chaque mois, RE-MUE donne la parole à un nouvel invité

  N °4

 

 

C’EST DADA QU’ON ASSASSINE
L’AMOUR SENATORIAL

Un article de Jean-Paul Gavard-Perret

 

 

 

 

« Une petite côte de Dada, voilà ce qu’est le surréalisme » disait avec raison Ribemont-Dessaignes. Le monde littéraire l’a bien compris. Breton ne fut en rien qu’un intellectuel professionnel qui voulut se faire passer pour un agent provocateur. On ne fit guère mieux dans le genre hypocrite et sacristain. Captant l’héritage des avants gardes, celui qui se voulut monarque ne fut pas avare de coup de pieds en vache. Qu’on se souvienne du sort qu’il réserva entre autres aux Naville, Masson ou autre Gysin. En bon flic et curé il asphyxia le dadaïsme pour devenir le mandarin d’un ascétisme. Aux soutanes noires de la prêtrise succéda la tiare blanche du pape d’un nouveau catéchisme qui n’hésita pas pour des raisons de stratégies fines à flirter avec le Parti Communiste alors tout puissant. Cabotin de bénitier, inspecteur de ses brigades des mœurs il sut pourtant devenir irremplaçable aidé en cela par des sbires qui lui servirent la soupe et parfois ses propres écrits. Qu’aurait été, par exemple, le Breton poète sans Philippe Soupault ? Et que fut le fameux amour surréaliste ?

L’amour chez Breton sous prétexte de folie se veut sénatorial. Parfums et mollesses orientales, une petite excitation lente qui les fait ahaner sur un mode mourant. Au nom de Nadja et pour se sentir exister, les membres de Sénat surréaliste n’eurent même pas à racoler. Des femmes pré-séduites se jetèrent sur eux quand ils en exprimaient le désir comme sur de la vermine. Cette incontinence sénatoriale fut prise pour de l’érotisme en passant d’une chambre à l’autre. A la majesté des palais de la République, on passe à l’ombre d’un hôtel du même nom. Sur un corps plutôt laid et terne un visage sourit. Une femme tente alors de sauver l’amour en prononçant un lieu commun certain « Prends-moi ». Après la fausse vertu, le vrai désordre s’immisce sous la ceinture de chasteté de fausses vierges qui se firent honorer pour écorner l’image d’une vieille épouse qui presse à la dure. Une bonne douche, un coup de peigne et les sombres héros redevenaient les idoles des taupes qui les momifiaient et trouvaient jusque dans leurs urines des traces de grandeur, des dépôts d’or diabétique. Breton et ses anges surent garder l’or et laisser à d’autres le sucre rassis.

Si le Surréalisme existe, ce n’est certainement pas dans la littérature. Le langage tel qu’il sort du subconscient a plus à voir avec l’art et ses images qu’avec les mots. L’importance du langage plastique y est fondamental. La littérature surréaliste n’a fait que baragouiner autour au nom d’une symbolique bricolée et d’étiquettes approximatives. Tout dans la littérature surréaliste est aimable dans une réalité rêvée et non de rêve. Ce qui n’est pas le cas dans l’art surréaliste : qu’on pense simplement et pour faire simple à Ernst ou Dali. Breton a trahi et non traduit l’inquiétude moderne. C’est d’ailleurs pourquoi il fut si vite reconnu. L’intelligentsia a trouvé en lui le manager zélé capable de donner en pâtures une vision réductrice des misères et des maladies de son temps. La prétendue pureté de ses dévoilements « inconscients » ne fut qu’une expression consciente d’une entreprise de détournement des vomissements et des maux de coeur. Ses révélations restent des postiches séduisants que l’auteur monta pour sa satisfaction et son auto révélation.


Breton n'aura été qu'un Rastignac. En bougeant il pétrifie. C'est l'idole dont ne se saisit que le creux. Ceux qui s'attachent à sa pensée ne sont que des anachronistes. En feignant de proposer d'autres temps, d'autres mœurs il n'a fait qu'entériner une vision bourgeoise. La sienne. Elle ne fait que remplacer l'ancienne. Il n'a pas fait notre jour, il n'a fait que la nuit. Une contre épopée jamais éloignée du romantisme de la ruine. Celui qui se crut granit ne fut que tête morte feignant d'imaginer. Son dire n'est qu'une pensée sommaire des mystères de temps. La nostalgie y fait retour. Les recollections surréalistes à la Breton ne font que pétrifier le temps. Elles en soulignent de leur bric-à-brac avaricieux le chaos. Il n'existe pas chez Breton la nécessaire dépense contre la mort appelée par Bataille. Et quand Godot frappe à la porte Breton n'a pas compris que celui-là était déjà passé. Il ne faut pas rêver.

La prétendue évolution de Dada, de la Metafisica et du Futurisme vers le surréalisme n'est donc que régression. La fausse révolution de Breton fut un signe non de Grandeur et décadence. Ce fut un resserrement de l'espace par la prétendue ouverture du rêve balancée comme un ostensoir. Breton n'a jamais compris ce que Freud en disait - d'où la componction à peine polie des réponses aux avances du Pape surréaliste. Celui-ci a superbement ignoré que le rêve était simplement une provisoire séance de rattrapages sublimés à nos amours et à leurs chagrins. Pour Freud Breton ne fut qu'un précieux ridicule jusqu'en ses désarrois de pseudo fin du monde et en ses mythes dilatés. Il ne cesse de rétrécir sous le yatagan du Maure. Dans le petit cercle de ses évangélistes Breton fut le maître des inventions futiles dont la prétendue splendeur garde le goût sucré d’un mauvais apéritif du temps passé.