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JH : Guido, tu écris des poèmes, en plusieurs langues d’ailleurs. Quand et comment as-tu commencé à écrire ?
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Un jour, j’ai remarqué que plusieurs cahiers manquaient. J’ai découvert que mon petit frère, de deux ans plus jeune que moi, se servait de mes poèmes pour draguer des filles. Et ça marchait ! Alors que moi, l’aîné, je n’avais avec les filles que des relations platoniques !!Peu de temps après, j’ai cessé d’écrire mais j’ai continué à lire beaucoup de poésie.Ce n’est qu’après mes trente ans que j’ai retrouvé le goût de l’écriture. |
J’avais rencontré des amis et nous avons décidé de créer une revue qui s’appelait : « Kitoko magazine » et qui réunissait autour de nous des poètes, des écrivains, des peintres, des graveurs. A une époque où les murs et les frontières commençaient à tomber, je ne voulais pas entrer dans le jeu belgo-belge de ségrégation linguistique. J’ai cherché des contacts en Wallonie mais c’était difficile, car les deux communautés faisaient mine de s’ignorer mutuellement. Ce sont des amis français qui m’ont servi d’intermédiaires. C’est ainsi que j’ai connu le mensuel 25 de Robert Varlez à Liège, tandis que des gens comme Boris Eloi Dutilleul étaient actifs dans la région de Marche, d’autres à Arlon. J’ai écrit à toutes ces personnes pour leur proposer de se voir, de se rencontrer, de travailler ensemble. Les premiers à avoir réagi de façon positive ont été Robert Varlez, Françoise Favretto et Jacques Izoard. J’ai proposé à Jacques de consacrer un numéro de Kitoko à la poésie wallonne, pour la faire connaître au public néerlandophone. Par la suite, grâce à des collaborateurs de la revue engagés dans l’art postal, j’ai découvert que cette forme d’art constituait non seulement une ouverture vers l’autre communauté de Belgique, comme j’avais tenté de le faire, mais une ouverture sur le monde entier. J’avais un ras-le-bol de la situation communautaire belge qui n’évoluait que dans le mauvais sens, tant en Flandre qu’en Wallonie. J’ai décidé d’abandonner la revue Kitoko qui se limitait à un contexte belge, pour me lancer dans l’art postal, ce qui m’a donné l’occasion de connaître des artistes du monde entier.
Depuis, j’ai lancé beaucoup de projets d’art postal.
Il suffit de choisir un thème et de le communiquer au réseau de mail-artistes du monde entier. N’importe qui peut envoyer une participation autour du thème. La personne qui reçoit les contributions a le droit de les conserver mais, en échange, organise une petite expo ou confectionne un catalogue des œuvres reçues, qu’il envoie à chaque participant.
Pour tous les projets que j’ai lancés moi-même, j’ai réalisé une documentation sous forme de revue. Parfois, ce sont des revues sur papier, parfois des blogs, parfois des CDs. J’utilise plusieurs techniques.
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RV : Combien de projets as-tu lancés ainsi ?
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GV : Une quinzaine, à peu près. Au tout début, j’ai lancé un projet qui s’appelait « Stones and Signs » (Pierres et Signes). Les pierres jouent un rôle important pour moi. Je les aime, je les collectionne, je les utilise comme métaphores dans mes poèmes. Quant aux signes, ils m’ont toujours fasciné car, pour moi,ils sont une autre écriture un peu surnaturelle, une écriture automatique. Je ne peux pas la déchiffrer mais je m’en fous,c’est comme de la musique. |
On se réfère souvent aux pierres et aux signes dans un contexte spirituel et cela s’est reflété dans les envois que j’ai reçus.
Enthousiasmé par la qualité des réponses, je me suis dit : l’année prochaine, je vais lancer quatre projets en même temps ! Je l’ai fait, et l’année suivante, six projets simultanés. Cela me rendait fou ! Un projet par an, c’est déjà énorme…
Pour les projets qui ont suivi, j’ai conservé l’intitulé « Pierres et Signes » mais j’y ajoutais à chaque fois un élément, la lune, le serpent, les tortues…
Tout cela a évolué depuis les attentats du 11 septembre. Je crois en la théorie du complot, je pense que les USA préparaient de cette manière leur offensive au Moyen-Orient, avec comme objectif principal l’Iran. Une Brésilienne qui vivait au Canada a pris contact avec moi à cette période pour me demander de collaborer à un projet qui avait pour but de créer une chaîne mondiale contre la guerre. Elle avait entendu dire que j’avais des contacts parmi les mail-artistes du monde entier. C’était vrai, sauf pour le continent africain. J’ai fait des recherches et je suis tombé sur un groupe qui s’appelle TAPN (Transcend Art and Peace Network), et qui s’oppose aussi à la guerre. Ce groupe avait des contacts dans plusieurs pays d’Afrique. Je suis entré en relation avec eux et j’ai découvert que, pour les Africains, il est plus facile et moins onéreux de participer à l’art postal par e-mail que par courrier normal. Nous avons créé une chaîne mondiale de poèmes contre la guerre (d’Irak) et ce fut le début de la revue « Friour », dont le premier numéro fut consacré à tous ces poèmes contre la guerre, accompagnés de quelques œuvres graphiques.
Depuis lors, j’ai poursuivi la publication de « Friour », dans l’esprit « Art et Paix » mais auquel j’ajoute, comme pour « Pierres et Signes », d’autres éléments. Pour le deuxième numéro, par exemple, j’avais demandé à mes amis américains de tenir pendant un an un journal sur le thème : »Comment percevez-vous les Etats-Unis d’après le 11 septembre ? ». J’ai reçu de véritables chefs-d’œuvre, dont certains reflétaient l’évolution de la pensée de ceux qui les avaient écrits. Au début, on les sentait surtout choqués, ce qui est bien compréhensible – moi aussi, j’ai été choqué lorsque j’ai vu les images à la télé -, mais, progressivement, on perçoit un changement d’opinion. Les gens se demandent : « Qu’est-ce qu’on nous raconte ? Comment est-on en train de nous manipuler ? ». Au début, personne ne croyait Saddam Hussein responsable des attentats du 11 septembre. Or, un an de propagande de la part de l’administration Bush a suffi à convaincre 80 % des Américains ! La réflexion des artistes tournait autour de ce phénomène de propagande, les plus vieux se rappelaient l’intox diffusée autour de la guerre du Vietnam.
« Firour » est aussi une revue ouverte. Tout qui souhaite réaliser un numéro peut le faire. La revue ne m’appartient pas, elle appartient au réseau des mail-artistes. Une femme thaïlandaise a réalisé un numéro de « Friour » sur le thème de « La Guerre et la Paix », une Rwandaise a consacré un numéro à « La douleur et l’espoir », ce qui est un thème typiquement africain, bien que ce numéro ait eu principalement trait au déchirement rwandais. Une Japonaise a produit un « Friour » sur « La mythologie du soleil ». J’ai appris ainsi à m’ouvrir et à laisser d’autres prendre les rênes de la revue, ce qui, pour moi, a constitué une révolution, puisqu’au début, je voulais tout contrôler moi-même. Maintenant, je me dis : « laisse, laisse, laisse l’univers aller son chemin ». Le dernier numéro a été une consécration du thème : « La paix, pour vous, c’est quoi ? » (Peace, you name it !)
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JH : Dirais-tu que le réseau d’art postal est un milieu très ouvert, que n’importe qui peut lancer un projet. Comment commencer, savoir qui contacter ?
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GV : C’est ouvert en ce sens que le réseau d’art postal ne va jamais porter de jugement sur ce que tu envoies en se basant sur tes compétences, etc., ce qui est tout à fait à l’opposé de l’esprit académique. En même temps que j’ai lancé la revue « Kitoko », je me suis inscrit à l’académie. J’ai suivi des cours de peinture, de gravure, de céramique.Tout ce que l’académie peut t’apporter, ce sont des connaissances techniques. |
Tu n’as pas besoin d’un maître qui te demande de devenir son disciple ou son esclave. Beaucoup de professeurs, malheureusement, exigent que tu suives leur exemple, que tu fasses comme eux. Si un professeur fait de l’abstraction géométrique, il va essayer de te convaincre que c’est cela que toi aussi, tu dois faire. Si tu essaies de faire autre chose, il te dit que tu es nul ! C’est comme les courants successifs en art. Dans un premier temps, on rejette les courants nouveaux jusqu’à ce qu’ils deviennent majoritaires, déterminants. C’est une espèce de dictature. Un bon professeur devrait apprendre à ses élèves les bases techniques, puis leur laisser la liberté de leur créativité, se borner à stimuler cette spécificité.
En art postal, un tel jugement n’existe pas. Tu fais ce que tu veux. Personne ne va te dire : « ça, c’est minable ». Tout est accepté, publié, montré au même niveau. Dans les envois peuvent se côtoyer des aquarelles et des réalisations d’art conceptuel. On trouve de tout.
Quand on veut se lancer dans l’art postal, on est d’abord un peu perdu. On se demande comment toucher les personnes intéressées.
Pour ma part, quand je recevais des annonces de projets, je les dupliquais et je les envoyais à mes correspondants de l’époque. Maintenant, c’est plus facile, des associations d’art postal ont des sites sur Internet. L’une d’elles s’appelle IUOMA (International Union of Mail-Artsists - Union internationale des Mail-Artistes (http://www.iuoma.org/ ). Il suffit d’annoncer son projet sur ce site et, immédiatement, on obtient des réactions.
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RV : Il me semble qu’il y a actuellement des « professionnels » de l’art postal, qui communiquent principalement entre eux et avec qui il est difficile d’établir le contact.
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GV : Cela a toujours existé. Les mail-artistes de la première génération ont tendance à ne communiquer qu’entre eux. Il m’a fallu un an d’activité avant de me constituer un réseau de correspondants. La première année, j’envoyais des participations et, parfois, je ne recevais aucun retour. Cela prend du temps.Des milliers de projets sont lancés chaque année. Il est impossible de participer à tous ! Il faut sélectionner. |
On choisit en fonction de ses propres affinités ou parce que l’on connaît la personne qui lance le projet. Personnellement, quand je vois quelqu’un de nouveau sur le réseau, j’ai toujours envie de réagir immédiatement et de lui envoyer une contribution, parce que je sais à quel point c’est dur de commencer.
Par contre, je jour où tu décides d’arrêter, c’est aussi difficile, parce que les gens continuent à t’envoyer des invitations, pendant des années. Finalement, c’est aussi difficile d’arrêter que de commencer. Pendant trois ans, je n’ai presque plus fait d’art postal, parce que j’avais de lourdes obligations professionnelles, pourtant je continuais à recevoir plein de courrier qui me sollicitait ma participation.
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RV : Autrefois, les participants à un projet prenaient la peine de s’investir en confectionnant des envois artisanaux ou artistiques, mais maintenant, je m’aperçois que bien des mail-artistes se contentent d’envoyer des cartes postales ou des copies qui, bien souvent, n’ont rien à voir avec le sujet, mais qui consistent plutôt en publicité pour leurs propres projets.
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GV : Ce n’est pas nouveau. Il existe ce qu’on appelle un « copy-art », qui est un moyen d’expression où l’on se sert de la photocopie pour créer une œuvre. C’est un moyen bon marché de faire de l’art. Mais il ne suffit pas de faire une photocopie en de multiples exemplaires et d’envoyer ceux-ci à cent projets différents pour que cela devienne du copy-art. Ca, c’est du charlatanisme. Quand je reçois ce genre de courrier, je le mets à la poubelle ! Quand on est mail-artiste, Il faut respecter ses engagements.
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JH : Quel est le rôle de l’art postal dans ton écriture, quelle est son influence ?
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GV : Au début, j’écrivais évidemment dans ma langue maternelle, le néerlandais. Comme, dans le réseau d’art postal, la langue véhiculaire est l’anglais, je me suis efforcé de développer mes connaissances en anglais et j’ai commencé à écrire des poèmes dans cette langue. Pendant dix ans, j’ai écrit presque exclusivement en anglais.Je n’écrivais plus en néerlandais, très rarement en français. Cela a influencé mon écriture car, quand tu écris dans une autre langue, |
tu ne possèdes pas le même vocabulaire que dans ta langue maternelle. Tu as un vocabulaire restreint. Mais justement, pour moi, la poésie, c’est dire beaucoup de choses avec une économie de moyens, avec un minimum de mots, tout le contraire du roman. Passer par une autre langue est intéressant, cela t’oblige à économiser tes mots. J’ai ainsi appris à écrire la poésie d’une autre façon, en faisant plus court, plus concis. Il n’y a que trois ans environ que j’ai recommencé à écrire en néerlandais.
J’ai alors pris conscience du changement qui était intervenu dans mon écriture à cause du passage par l’anglais. Dans mon recueil de poèmes « De Wetenschap van Vissen », une partie contient des poèmes courts, très concentrés et une autre partie des poèmes beaucoup plus développés, qui sont en fait les plus anciens. J’ai une amie flamande, Liza Leyla, qui écrit ses poèmes exclusivement en français. C’est une façon de mettre une distance entre elle et son texte. Lorsqu’elle fait des lectures de ses poèmes, cela constitue aussi une distance entre elle, son texte et le public qui écoute.
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JH : J’aimerais que tu nous parles des différentes manières de faire circuler des textes, des alternatives à la publication traditionnelle via des maisons d’édition
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GV : Cela nous ramène à l’art postal. Il est très fréquent de recevoir des livres d’artistes de fabrication artisanale. La diversité est incroyable. J’ai ainsi lancé un projet qui s’appelait « Artists’ notebooks », par lequel je demandais qu’on m’envoie des carnets de notes. J’étais assez sceptique, car un carnet de notes est un objet très personnel. Au contraire, c’est le projet qui a rencontré le plus grand succès ! Cette année-là, j’ai beaucoup voyagé et, lors de mon retour, |
une énorme quantité de carnets m’attendait. J’ai exposé tous ces envois dans une galerie allemande à Bruxelles. J’ai invité une amie américaine, qui avait participé au projet, pour animer, dans le cadre de l’exposition, un atelier qui montrait aux visiteurs comment créer leurs propres carnets de notes. L’exposition a été aussi montrée à Liège.
Les livres d’artistes ont l’avantage d’associer deux ou plusieurs disciplines différentes : écriture/dessin, écriture/collages, écriture/peinture. Il m’arrive d’en éditer, en un petit nombre d’exemplaires, évidemment. |
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JH : Que deviennent ces livres d’artistes ?
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GV : Je ne m’occupe pas de leur diffusion. Comme ils émanent de l’art postal, je les traite en objets d’art postal. J’en conserve un exemplaire et j’envoie les autres à des amis, des proches. |
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RV : C’est un des modes de diffusion de l’art les plus libres d’aujourd’hui, parallèlement au marché de l’art officiel. |
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GV : J’admire aussi tout ce qui se passe sur internet, entre autres sur les blogs. Le phénomène suscite de l’irritation parmi les maisons d’édition, parce que cela échappe à leurs critères, leur jugement. Ils n’ont aucun droit de regard sur tous ces gens qui s’expriment librement sur leurs blogs, qui racontent leur vie, leurs histoires, leur vision des choses, dans leur propre écriture. Faire un blog est à la portée de tout le monde. C’est le moyen d’une expression libre, artistique, |
politique aussi.Une fille flamande, originaire d’Anvers travaillait dans un bar à N-Y. Elle reçoit la visite de M. Pieter De Krem, complètement ivre et qui se comporte comme un cochon avec elle. Elle a signalé la chose sur son blog. M. De Krem était tellement fâché qu’il a utilisé un de ses collaborateurs, qui a fait pression sur le patron du bar afin qu’il licencie la jeune femme. Celle-ci a néanmoins continué à alimenter son blog. |
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RV : Contrairement à d’autres mail-artistes qui se contentent de correspondre par voie postale, tu t’es souvent déplacé pour rencontrer des correspondants, tu en as aussi invité chez toi.
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GV : Un mail-artiste italien a lancé le slogan : « Après le mail-art, la rencontre ». Cela a stimulé le « tourisme mail-art » chez certains et a fait peur à d’autres, qui considéraient que l’art postal, justement, permettait à chacun de rester dans son coin.
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JH : Un peu comme Internet… |
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GV : Oui, c’est cela. Avant l’internet, il y avait l’art postal. C’est exactement ça. Un mail-artiste anglais, avec qui je correspondais, a exigé que je signe un contrat par lequel je m’engageais à ne jamais lui rendre visite ! Je l’ai signé.
Heureusement, d’autres ont réagi différemment. Des rencontres collectives ont été organisées, très fructueuses en ce qui concerne les échanges et la collaboration artistiques . |
Au départ, se posait la question : on correspond pendant des années avec quelqu’un et tout se passe bien mais comment la rencontre en chair et en os va-t-elle se dérouler ? Je n’ai jamais été déçu.
Mes seules déceptions
me sont venues de personnes du réseau qui sont venues me rendre visite alors que je n’avais jamais correspondu avec elles. C’est une tradition du réseau : quand on voyage, on est reçu chez d’autres membres. Maintenant, j’applique ce principe : si je n’ai pas eu de contacts épistolaires préalables, je ne reçois plus les personnes chez moi.
Entre 1994 et 2004, j’ai beaucoup voyagé et j’ai été reçu par des mail-artistes, surtout aux Etats-Unis et au Canada, dont plusieurs m’ont ensuite rendu visite, chez moi, à Bruxelles.
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RV : J’ai lu, sur ton blog, que tu avais également organisé des rencontres entre mail-artistes belges.
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GV : Tu veux sans doute parler du festival d’art et de musique alternative de Sint-Niklaas. Un mail-artiste, animateur d’une maison de jeunes, organisait chaque année ce festival dont une partie était consacrée à l’art postal. Au début, ces rencontres étaient uniquement belgo-belges. J’ai incité Geert, l’organisateur, à ouvrir le festival aux artistes internationaux. Les trois dernières années, des mail-artistes sont venus de tous les coins du monde.
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RV : J’ai l’impression que beaucoup de mail-artistes vivent un peu en marge de la société et, dès lors, qu’ils ont des difficultés financières à assumer des voyages à l’étranger.
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GV : Heureusement, ils n’ont en général que les frais du voyage. On essaie toujours de trouver une solution d’hébergement gratuit.
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RV : Je suppose qu’il n’est pas toujours facile de trouver un endroit pour exposer de l’art postal à un prix raisonnable. Les galeries ne sont pas intéressées…
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GV : Je n’ai jamais travaillé avec des galeries. Mes expositions ont toujours eu lieu soit chez moi, soit dans d’autres maisons un peu plus grandes que la mienne, ou encore dans des librairies, des restaurants, des bistrots, des maisons de jeunes… L’avantage c’est qu’il s’agit souvent de petits formats, donc faciles à exposer. A Sint-Niklaas, la ville a mis tous les locaux de l’académie à la disposition du festival. Parfois, il faut oser démarcher, demander à des personnes susceptibles d’être intéressées…
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RV : Les catalogues d’art postal sont à présent plus souvent virtuels que réels. C’est aussi une question de coût, j’imagine. L’envoi d’un catalogue volumineux à l’étranger par voie postale est très onéreux. L’envoi par mail ne coûte rien.
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GV : La jeune génération est surtout branchée sur internet, c’est une évolution et il y a aussi, bien sûr, une question de coût financier. C’est peut-être dommage mais c’est compréhensible. J’essaie d’alterner. Certains de mes projets sont uniquement documentés sur des blogs mais, pour d’autres, je publie des revues-papier, parce que j’adore ça et aussi parce que la plupart des gens préfèrent encore avoir une revue réelle entre les mains. Les mail-artistes qui ont des moyens limités n’envoient que la liste d’adresses de tous les participants.
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Cela n’a d’intérêt que pour les nouveaux venus à l’art postal, qui ne disposent pas encore de leur propre liste d’adresses.
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RV : L’art postal continue-t-il à se développer ?
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GV : Chaque nouvelle génération découvre l’art postal et aime l’idée de s’ouvrir sur le monde. La plupart des pays connaissent des sociétés fermées, refermées sur elles-mêmes. L’évolution cependant, va dans le sens du remplacement de l’art postal classique par la communication sur l’internet.Un phénomène s’est produit à cause de l’élargissement du réseau d’art postal. Avant, quand on lançait un projet, on recevait jusqu’à 800 réponses.
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Maintenant, il y a tellement de projets que si on reçoit cent contributions, c’est énorme ! Une exception : si on a la possibilité de publier un beau catalogue, par exemple parce qu’on reçoit des subsides d’une instance officielle, les participants accourent nombreux ! Pour un particulier, qui ne bénéficie pas de subsides, les frais sont trop élevés.
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RV : J’ai remarqué que les Italiens sont toujours très actifs dans l’art postal. |
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GV : Oui, c’est exact, surtout dans le contexte actuel où l’Italie est devenue une sorte de république bananière. L’art postal s’oppose à l’intox diffusée par les médias aux mains du gouvernement. On essaie de nous faire croire que nous vivons dans des paradis sociaux. Rien n’est plus faux.
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JH : Qu’est-ce qui te motive dans ta démarche d’échange, de communication ? |
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GV :J’ai toujours trouvé intéressant, quand on produit une œuvre, de savoir comment l’autre l’interprète. Duchamp disait : l’art est décidé par le spectateur, pas par l’artiste. Une fois l’œuvre achevée et montrée, elle ne vous appartient plus. Ce sont les autres qui décident.
J’ai confectionné des petites images gravées dans le styrofoam qui emballe les hamburgers. J’ai envoyé ces images à divers écrivains en leur demandant d’écrire un poème au sujet de ces images.
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J’ai obtenu quatre, cinq ou six interprétations différentes de chacune de mes images. C’est une démarche qui me passionne. Il faut accepter de perdre le contrôle. Mon concept de base était de créer quatre groupes de quatre écrivains chacun, et d’envoyer quatre images à chaque groupe. Mais ça ne marche pas ! Je recevais des réactions du style : « Non, non, non, cette image-là ne m’inspire rien ! Je ne peux pas écrire là-dessus ! ». Finalement, j’ai envoyé toutes les images à tout le monde. Certaines images ont inspiré six poèmes, d’autres trois ou quatre, d’autres aucun.
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JH : On peut aussi envisager l’inverse. On envoie un texte à plusieurs artistes en leur demandant de l’illustrer ou, du moins, de créer une œuvre plastique s’en inspirant.
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GV : C’est ce que j’ai fait pour une autre publication, appelée « Windows on Fire ». C’étaient des petits poèmes que j’avais écrits sur le thème du feu, parmi mes premiers poèmes en anglais. Je les avais donnés à Bernd Reichert et je lui ai demandé si cela l’intéressait de les éditer. Bernd a réalisé des gravures très fortes s’inspirant de mes poèmes : le feu, l’amour fou, le désir. J’y ai ajouté des collages. L’ouvrage n’a été édité qu’en cinq exemplaires. Par contre, les poèmes, sans illustrations, ont été publiés aux Etats-Unis en 800 exemplaires.
Récemment j’ai aussi réalisé un livre avec une artiste canadienne. Chacun a fait six collages, puis
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a écrit des poèmes sur les collages de l’autre. Douze poèmes, douze collages, imprimés en couleur, une belle édition, en vingt exemplaires… Le thème en était « Le paysage ». Nous avons été inspirés par un projet lancé par une autre Canadienne : « Reading Landscapes » (Lecture de paysages)
Les possibilités sont presque infinies, à la mesure de l’imagination humaine.
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