Son
goût inné pour le dessin et l’illustration l’amène à s’inscrire à
l’Académie royale des Beaux-Arts de Liège. Elle y développera son
besoin de recherche en fréquentant l’atelier de gravure dirigé par le
graveur Georges Comhaire.
Rachel Menchior ou la femme faite femme.
Dans ses œuvres, les notions de pudeur et d’impudeur n’ont plus guère
d’importance. Le seul mot de « nudité » n’avive pas les regards. Rachel
voit et, surtout, donne à voir. Et ce qu’elle nous donne à voir nous
fait, à coup sûr, tressaillir imperceptiblement. Là commence le plaisir
du voyeur. Lorsque l’on regarde ses peintures (ou ses dessins), il
importe de prendre son temps, de s’imprégner des formes et des
couleurs. Ici, l’œuvre est immobile, mais non statique.
Ces femmes (et quelquefois ces hommes) respirent la vie et finissent
par bouger dans l’œil. Ces œuvres ont une telle présence dans l’instant
qu’elles provoquent aussitôt un bref tressaillement. Et jamais le
regard ne s’essouffle, comme si, malgré la fixité de ce regard, ces
femmes bougeaient, se levaient, se couchaient.
S’organise ici tant un univers de corps à la fois nus ou vêtus.
Regarderait-on par le trou d’une serrure ? Pas du tout. Ces corps sont
offerts en pleine lumière et chacun est libre de voir, de voir en toute
audace. En toute liberté ?
Comment apprécier la fascination qu’ils exercent ?
Rachel a l’art de saisir d’emblée le chair même des femmes et des
hommes. Parfois, peut-être même souvent, ces femmes peintes ou
dessinées ne regardent pas devant elles, ne voient donc pas le voyeur.
Sont-elles donc distraites ou ne préfèrent-elles pas imposer leur
existence ? On ne sait trop. Ce que pourrait avoir de trop intense leur
présence est quelque peu atténué par une sorte d’abandon ou de
négligence. Elles ne se préoccupent pas du tout des regards posés sur
elles.
Femmes dénudées ! Peut-être à la Senghor ! Femmes lascives ! Femmes
plus nues que nues, et sur qui le temps semble n’avoir aucune prise.
Malgré la précision quasi technique du dessin, de la peinture, ici,
rien n’est réaliste. De furtives rencontres ont lieu, mais évoquées à
la légère, et peut-être inexistantes. L’on tombe tout de suite amoureux
des femmes de Rachel, avec lesquelles on lie si facilement connaissance.
Une belle jeune femme enlève son pull-over, et tout est dit : l’élan,
la fraîcheur et, disons-le tout simplement, la beauté.
Femmes nues pourtant, même quand elles sont en partie recouvertes de
laine ou de tissus divers admirablement drapés.
Bref, en un mot comme en mille, Rachel nous séduit, nous enchante, nous enivre.
Jacques IZOARD. |