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Lèse-Art Re-Mue

RE-MUE revue littéraire des lézards en mutation permanente. Chaque mois, RE-MUE donne la parole à un nouvel invité   N °16

 

I

 

Interview de Mélanie Eyckmans, bibliothécaire à Pont- à-Celles

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Mélanie, comment devient-on bibliothécaire ? J’imagine une petite fille dévoreuse de livres,   fréquentant une bibliothèque qui, plus tard, décide de « vivre avec les livres ». Est-ce ainsi que cela s’est passé pour toi ?

 

 
 
Je ne pourrais pas dire qu’il s’agissait au départ d’une vocation. Mais c’est tout de même surtout l’amour des livres qui m’a menée à ce métier.  J’étais une petite fille assez solitaire, fille unique, plongée dans les livres depuis toujours.
 
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Peux-tu évoquer un des meilleurs souvenirs de ta vie de bibliothécaire ?

 
 

J’aurais du mal à en pointer un seul. Il y en a beaucoup. C’est un très beau métier même si j’ai des craintes sur son devenir. Mes meilleurs souvenirs, c’est quand j’ai pu apporter quelque chose aux lecteurs, aider des jeunes à découvrir des livres…

 
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Tu travailles aussi bien en section « adultes » qu’en section « enfants ». Quel est ton public préféré ? Qui est le plus exigeant ?

 
 

Les enfants sont rarement décevants. Les adultes, quelquefois. Les plus exigeants, ce sont les adultes. Certains me disent : « on a tout lu », alors que ce n’est pas vrai. Il arrive qu’un lecteur ne lise qu’un seul auteur et, à la limite, il voudrait que cet auteur continue à écrire pour satisfaire son envie de le lire.  Mais c’est aussi un côté agréable du métier que d’inciter les gens à diversifier leurs lectures, de leur faire connaître de nouveaux auteurs. Dans une bibliothèque locale, on peut encore prendre le temps de dialoguer avec les gens,  on a un rapport privilégié avec le  public. Voilà ce qui crée de bons souvenirs ! 

 
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A ce propos, justement, les lecteurs, adultes et enfants, te demandent-ils parfois de les conseiller dans leurs lectures ?

 
 

Je pense qu’il est primordial, pour un bibliothécaire, d’aimer les livres, d’aimer lire. Il est indispensable de bien connaître les livres pour pouvoir les conseiller aux personnes. Il faut aussi bien connaître les lecteurs. Quand une personne vient pour la première fois, on essaie de l’aider mais on tâtonne un peu, on lui pose des questions sur le genre qu’elle affectionne : policier, sentimental… et  on essaie de l’aiguiller en fonction de ce qu’elle nous dit d’elle-même, de ses goûts. Les « habitués », on sait ce qu’ils aiment et le but est de leur faire découvrir d’autres auteurs susceptibles de les intéresser.  Il est très courant que les adultes nous demandent de les guider. Les enfants, eux, ne cherchent pas tellement d’aide. Ils savent très bien ce qu’ils veulent ou ce qu’ils « re-veulent », parce qu’ils aiment relire ce qui leur a plu. Quand ils cherchent des livres « pour l’école », là, ils demandent mais quand c’est pour le plaisir, ils trouvent bien par eux-mêmes.  

 
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Peut-être dans une bibliothèque locale les lecteurs se nouent-ils davantage dans une relation de confiance avec leur bibliothécaire que dans une plus grande bibliothèque, en ville ?

 
 

Même si nous avons pas mal de lecteurs, nous connaissons la plupart d’entre eux et, effectivement, il existe entre eux et nous un rapport privilégié qui ne serait pas possible dans une grande bibliothèque, où chaque employé est beaucoup plus « spécialisé » dans un secteur particulier, comme l’histoire, par exemple, ou les livres techniques. Ici, chaque bibliothécaire (nous sommes deux) est polyvalente. Parfois, c’est lourd, on s’occupe de tout, depuis l’achat des livres jusqu’au prêt mais c’est varié, dense, enrichissant.

 
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Tu viens d’évoquer l’achat des livres. Quels sont les critères déterminants pour l’achat des livres ? Est le choix des bibliothécaires, celui du public, ou encore de l’autorité de tutelle ?

 
 

Vis-à-vis de l’autorité de tutelle, nous avons un budget à respecter (qui est fixé en fonction du nombre d’habitants du village), nous devons remettre des statistiques, un rapport d’activités à la Communauté française, pour justifier nos choix. Nous tenons également compte des désidératas de notre public (un cahier de désidératas est à la disposition des lecteurs) et, de notre côté, nous essayons de nous tenir au courant des parutions de livres, de suivre les rentrées littéraires… Nous lisons les livres mais nous faisons aussi des recherches parmi les critiques, afin de diversifier au maximum tout en maintenant la qualité de la lecture.

 
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Quel impact l’apparition de l’accès à l’internet dans la majorité des foyers a-t-elle influencé la fréquentation des bibliothèques ?  As-tu remarqué une différence ?

 
 

Pas de différence quant au choix ou à la quantité des livres empruntés.  Par contre, d’autres personnes viennent à la bibliothèque pour consulter l’internet sur les deux (et bientôt trois) ordinateurs mis à leur disposition ! Nous ne proposons pas d’e-books et je ne crois pas que ce soit une priorité. Les personnes qui viennent consulter l’internet ici, le font plutôt dans un but de recherches. De ce fait, les encyclopédies du genre Universalis sont plutôt délaissées. Par contre, nous venons de commencer une collection de livres-audio, pour les personnes alitées ou malvoyantes mais aussi pour les navetteurs, qui les écoutent dans le train. Nous en avons une quinzaine actuellement. On peut télécharger ces livres sur une clé USB.

Les lecteurs peuvent aussi venir consulter des journaux ou des magazines. Nous sommes abonnés à trois quotidiens, en plus d’un assez grand choix de revues hebdomadaires ou mensuelles.
 
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Quelles sont les autres activités organisées par/dans la bibliothèque ?

 
 

Nous essayons surtout d’initier les enfants à la « lecture-plaisir ». C’est le plus important : quand ils ont découvert, petits, la lecture-plaisir, ils sont accrochés. Mais quand ils arrivent, pré-adolescents, alors qu’ils n’ont jamais, à la maison, ouvert un livre pour le plaisir, et qu’ils disent « voilà, il FAUT lire tel ou tel livre pour un devoir de français, d’histoire ou de maths », neuf fois sur dix, c’est foutu ! La lecture est désormais cataloguée comme faisant partie des devoirs. Alors que, si on a lu pour se faire plaisir dès la petite enfance, si on a eu d’autres lectures avant, alors les livres imposés par l’école ne sont plus perçus comme des corvées, d’autant plus que les enseignants sont aujourd’hui plus ouverts et proposent un large éventail de lectures.

Nous avons des classes de maternelle qui viennent nous rendre visite. Les enfants sont toujours très réceptifs : on leur lit des histoires, ils choisissent. Puis certains reviennent avec papa-maman, ils les tirent jusqu’à la bibliothèque ! Les livres, pour eux, c’est comme un jeu. Il y a les jouets et il y a les livres…
 
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Dernière question : as-tu un livre préféré ?

 
 

Oh ! J’ai plusieurs livres préférés. Je lis tout le temps. Parmi les derniers, j’ai beaucoup aimé « Confidences à Allah » et aussi « Quai de … » de Florence Aubenas, un livre qui concerne les pôles-emploi et qui détaille le parcours difficile d’une demandeuse d’emploi non qualifiée. Justement, le 3 mai, nous en faisons une lecture, à l’occasion de la fête du travail.