L’interdisciplinarité dans le domaine de l’art n’est certes pas une idée nouvelle. Nombreux sont les cinéastes à avoir adapté à l’écran des romans connus ou moins connus. Les musiques de film ne sont bien souvent que des adaptations d’oeuvres préexistantes ou alors sont composées pour « coller » de plus près à l’action ou à l’atmosphère voulues par le scénariste et le réalisateur . Les musiciens, de leur côté, partent souvent d’un argument écrit ou d’une œuvre picturale (« Tableaux à une exposition » de Moussorgski, se réfère aux tableaux de son ami Victor Hartmann, mort l’année précédente). Les peintres, à leur tour, affirment souvent qu’ils pratiquent leur art sur fond musical. A différentes époques, des artistes ont concrétisé ce désir d’interfécondation en fondant des groupes qu’on pourrait qualifier de coopératifs, et qui ont parfois initié des mouvements tels que le Bauhaus, Dada, Fluxus… englobant d’une manière plus large des artistes issus de diverses disciplines, et démontrant ainsi la complémentarité potentielle de celles-ci.Trop souvent, certains artistes se cantonnent dans leur « spécialité », obnubilés par leur propre démarche, sans réaliser que celle-ci, pour poursuivre son développement, a besoin d’être nourrie par les apports extérieurs que constituent les cheminements des autres. Fréquenter les expositions, c’est bien. Aller à la rencontre d’autres artistes dans leur atelier, les questionner non seulement sur les techniques qu’ils emploient mais aussi sur le sens de leur travail, leur évolution, le lien entre leurs œuvres et le monde extérieur, ne peut qu’apporter de l’eau au moulin de la créativité réciproque. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin et ne pas aller voir de l’autre côté des cloisons artificiellement érigées (entre autres par les académies) entre les différentes disciplines ? La plupart des artistes ne demandent pas mieux que d’expliquer à leurs homologues les spécificités de leur domaine de prédilection.Depuis plus de dix ans, j’anime des ateliers d’écriture et de réécriture. A plusieurs reprises, j’ai pris contact avec des artistes plasticiens, photographes, musiciens, pour leur demander si nous pouvions aller écrire « sur » leurs œuvres, visiter leur atelier, écouter les airs qu’ils nous interprétaient et nous en laisser inspirer. Jamais je n’ai rencontré de refus. Il suffit souvent de pousser la porte pour que les cloisons s’effondrent d’elles-mêmes, laissant la place à des zones d’influences réciproques, véritables pépinières d’idées novatrices. J’ai pu constater que les textes ainsi rédigés « sous influence » (pourrait-on dire), reflétaient bien plus d’inventivité et d’originalité que les productions habituelles, parfois marquées du sceau de la répétitivité.L’hybridation produit les plus belles fleurs.
Jo Hubert